INTRODUCTION
« A l’origine de tout bien commun et de tout ennemi permanent se trouve, depuis le début de l’histoire de l’humanité, la mer.[i]» C’est ainsi que débute l’ouvrage de Wulf Siewert consacré à l’Atlantique. Ce faisant Wulf Siewert se place d’emblée en filiation du Professeur Karl Haushofer dans la mesure où il emprunte à ce dernier strictement les premières phrases de son œuvre Weltmeere und Weltmächte paru à Berlin en 1937[ii]. Mais son cheminement intellectuel le mène plus loin encore.
Il considère en effet que l’historiographie européenne, par trop marquée par une vision continentale, a depuis toujours traité plus au fond les événements terrestres que les décisions navales, bien que ces dernières aient déterminé des siècles durant le sort des peuples. Car « les puissances maritimes, en bénéficiant des lignes de forces politiques et économiques des océans et en les orientant à leur profit exercent une influence si profonde sur la politique en général qu’elles détiennent précisément souvent les clefs de la politique mondiale[iii]». Et Wulf Siewert de conclure qu’il faut s’intéresser, en conséquence, aux océans et à l’Atlantique au premier chef, car l’Atlantique a joué un rôle important dans le passé, joue actuellement et jouera à l’avenir encore un rôle géopolitique majeur. Or, selon lui, aucun analyste n’a encore mis en relief le rôle géopolitique de l’Atlantique en dépit de sa signification pour l’Europe, en dehors de G. Schott[iv] mais dont l’ouvrage est centré sur les aspects purement géographiques.
C’est pour combler ce vide que Wulf Siewert se propose de consacrer un ouvrage à l’Atlantique, et ceci lui paraît d’autant plus normal que d’autres mers ont été étudiées[v], en particulier le Pacifique par son maître Karl Haushofer[vi] dont l’ouvrage constitue à ses yeux une référence en matière de géopolitique.
L’étude de Wulf Siewert est en réalité une approche dialectique et géopolitique de l’histoire de l’Atlantique qui s’achève sur une analyse précise des événements contemporains liés à la Deuxième Guerre mondiale. Elle s’articule autour de trois axes : l’importance de l’Atlantique, sa genèse et enfin la signification géopolitique et géostratégique de l’Atlantique. Nous examinerons tour à tour ces trois ensembles.
CHAPITRE I – DE L’IMPORTANCE DE L’ATLANTIQUE
Pour saisir l’histoire de l’Atlantique et son importance géopolitique, l’auteur se propose de se pencher d’abord sur la géographie du monde atlantique, puis sur les voies de communication transatlantiques et enfin sur le rôle économique de cet océan.
SECTION I– LA GEOGRAPHIE DU MONDE ATLANTIQUE
1. L’immensité de l’Atlantique
Parmi tous les océans, l’Atlantique se trouve avec ses 106 millions de km2 au premier rang après l’océan Pacifique. Son immensité, estime Wulf Siewert, est particulièrement visible quand on compare le libre océan (der offene Ozean), qui couvre 82 millions km2, avec ses prolongements naturels : « Mer du Nord et Baltique réunies par exemple ne représentent même pas 1 % de la surface totale de l’Atlantique.[vii]» L’auteur donne encore une autre comparaison pour insister sur l’exceptionnelle étendue de l’Atlantique : cet océan « est 11 fois plus grand que l’Europe et 2,5 fois plus grand que l’Asie[viii]».
Par ailleurs, note Wulf Siewert, les prolongements naturels de l’Atlantique sont nombreux. En Europe, il y a la Baltique, la Mer du Nord et la Méditerranée ; du côté du continent américain, on trouve la Baie de Hudson, le Golfe du Saint-Laurent et les eaux du Golfe du Mexique. Wulf Siewert, en géographe averti, mentionne également les mers polaires et la Mer au Nord de l’Europe. Cependant, considérant que les zones arctiques et antarctiques n’ont pas de signification politique et que la Méditerranée et la Baltique ont une originalité marquée et un développement historique propre, il ne les englobe pas dans son étude. Son analyse, dans ces conditions, est centrée sur l’océan Atlantique proprement dit, la Mer du Nord ainsi que sur la Mer des Caraïbes.
En raison de son étendue, l’Atlantique présente des caractéristiques d’ordre physique, climatique et géopolitique spécifiques.
2. L’Atlantique : un moyen de communication entre plusieurs continents
Wulf Siewert insiste sur le fait que l’Atlantique relie trois continents, l’Europe, l’Atlantique et l’Asie, et si l’on considère que l’Antarctique est un sixième continent, alors il est le lien entre quatre continents. Il constate également que l’Atlantique Sud est situé beaucoup plus à l’Est que l’Atlantique Nord. Ceci induit pour lui une conséquence géopolitique intéressante : « Le continent sud-américain, positionné vers l’Est, est plus proche de l’Europe que l’Amérique du Nord qui s’avance vers l’Ouest.[ix]» Une deuxième conséquence, d’ordre quasi géostratégique à notre sens, apparaît aussi aux yeux de notre analyste : « les possibilités de communication [de l’Amérique du Sud] avec l’Europe sont meilleures qu’avec l’Amérique du Nord[x]». Cependant, qu’il s’agisse du Nord du continent américain ou du Sud, l’Atlantique se trouve au cœur des liaisons entre l’Europe et l’Amérique « puisqu’il n’existe pas d’autre moyen de communication entre l’Europe et l’Amérique en dehors de l’Atlantique[xi]». De plus, les distances, à l’inverse du Pacifique, peuvent être relativement facilement franchies en Atlantique. La distance la plus courte, par exemple, est celle qui sépare l’Afrique de l’Ouest, près de Freetown, et le Cap Saint Roque au Brésil avec ses 2 840 kilomètres. Wulf Siewert illustre son propos avec d’autres exemples : l’Irlande et Terre- Neuve ne sont séparées que de 3 375 kilomètres ce qui est raisonnable. Bien entendu, « la distance entre l’Espagne et New York, en raison du retrait du continent américain [nord- américain], monte à 3000 nautiques ou 5500 kilomètres[xii]». L’Atlantique, à l’analyse, révèle aussi d’autres traits physiques originaux.
3. L’Atlantique Nord : un océan privilégié et contrasté
Dans sa partie supérieure, l’Atlantique est plus étroit que dans sa partie Sud, ce qui, selon Wulf Siewert, a des implications en ce qui concerne les températures. En effet, l’Atlantique Sud, plus ouvert, permet aux masses d’eau froide et aux icebergs de remonter loin vers le Nord tandis que l’Atlantique Nord est plus fermé grâce au Labrador et au Groenland, et, par suite, laisse pénétrer moins de masses d’eau froide par la route du Danemark.
L’Atlantique Nord bénéficie aussi de courants favorables. Le plus connu d’entre eux est le fameux Gulf Stream qui le traverse d’ouest en est et auquel les pays d’Europe occidentale doivent la clémence de leur climat. Wulf Siewert souligne, à juste titre, qu’« une partie du Gulf Stream (…) transite entre l’Ecosse du Nord et les Iles Féroé pour venir réchauffer tous les fjords norvégiens jusqu’au Cap Nord, de sorte que ces derniers ont également des eaux tièdes même en hiver[xiii]». Ce facteur a valeur géostratégique : « Grâce au Gulf Stream, écrit-il, les ports du Nord de l’Europe restent libres des glaces et cette partie du continent nord européen est habitable, alors qu’à la même latitude le Labrador est pris dans les glaces éternelles.[xiv]» Car c’est précisément le long des côtes d’Amérique que l’Atlantique Nord subit l’influence glaciale du courant du Labrador qui descend de la Baie de Baffin jusque loin vers le sud à hauteur de la latitude de Naples et charrie des monceaux de glace et de nombreux icebergs, dangers constants pour les navigateurs.
SECTION II – LES VOIES DE COMMUNICATION TRANSATLANTIQUES ET LES PORTS
1. Le danger des glaces et du brouillard
Les mois de mai, juin, juillet constituent le point culminant du danger lié aux glaces, car les icebergs se forment au printemps dans le Grand Nord et migrent ensuite vers le sud. Et Wulf Siewert de rappeler tout logiquement la plus grande catastrophe provoquée par la glace, celle du paquebot anglais Titanic qui « le 15 avril 1912, à latitude 41° Nord, est entré en collision avec un iceberg causant ainsi la mort de plus de 1500 personnes[xv]».
Les facteurs climatiques, on le voit, ont une importance déterminante. Il s’agit bien sûr des tempêtes hivernales dans l’Atlantique Nord mais aussi des brouillards en période d’été. Si les vents dans l’Atlantique Nord, connus pour avoir une influence directe sur le climat – au Nord des vents d’ouest très forts et dans sa partie Sud le régime régulier des alizés-, étaient d’une importance capitale pour la navigation à voile, pour les navires à vapeur ce qui importe ce sont les glaces et le brouillard. Et ces mauvaises « rencontres » se trouvent précisément sur le trajet entre New York et l’Europe : « Pendant les mois d’été, écrit Wulf Siewert, plus de 30 % des jours connaissent le brouillard.[xvi]» C’est pourquoi les compagnies de navigation transatlantiques se sont mises d’accord sur des routes transatlantiques précises. En particulier, il a été décidé « d’éviter toute l’année le Cape Race[xvii]» pour cause de brouillard, qui favorise les collisions entre navires et avec des icebergs, et de transiter en conséquence plus au sud.
Enfin, s’agissant des routes maritimes se dirigeant vers les Caraïbes[xviii] et l’Amérique du Sud, elles ne connaissent pas de difficultés de cet ordre, même si Wulf Siewert relève que les navires à vapeur évitent de traverser la route de Floride dans le sens Nord-Sud en raison du courant et empruntent plutôt la route passant par les Bahamas pour rejoindre ensuite les côtes de Floride et accéder ainsi au Golfe du Mexique. En dehors de son climat et de ses routes maritimes, l’Atlantique se distingue aussi par la variété de ses côtes dont beaucoup sont favorables aux activités humaines.
2. Une topographie favorable au développement des ports et du trafic maritime
C’est sur un facteur géostratégique statique[xix], la topographie et plus exactement la configuration des côtes, que Wulf Siewert appelle également l’attention du lecteur. En dehors des côtes de l’Afrique de l’Ouest qui sont particulièrement hostiles à la navigation – tout comme la côte Est du Pacifique en raison de la Cordillère des Andes -, les côtes d’Europe et d’Amérique offrent les meilleures conditions pour le développement de la navigation maritime. C’est pourquoi « les Etats européens déplacent aussi leur centre de gravité vers l’Atlantique à l’image des pays d’Amérique du Nord ou d’Amérique du Sud [xx]». Ceci est une condition préalable à l’expansion du trafic maritime. Cette idée du rôle majeur de l’Atlantique pour les Etats, il convient de la relier à son idée force exprimée au début de son ouvrage : l’océan Atlantique a un rôle géopolitique majeur[xxi]. Il insiste également sur l’existence de nombreux ports qui justement attestent de la générosité des côtes atlantiques. Il en dresse le panorama, panorama qui correspond à une véritable analyse géostratégique, même si son propos ne s’inscrit pas dans la guerre sur mer mais vise seulement à montrer le nécessaire lien entre ports et trafic commercial mondial transitant par la mer.
3. Un panorama des ports de l’Atlantique
Parmi les ports, Wulf Siewert retient les ports des fjords norvégiens et les ports espagnols, « auxquels il manque cependant un arrière-pays[xxii]». C’est en Angleterre, Irlande et en France que golfes et ports sont les plus nombreux, tandis que leur nombre sur les côtes basses du Nord de l’Allemagne et des Pays-Bas est plus faible mais « en contrepartie [ces pays] disposent d’un arrière-pays qui paraît d’autant plus grand et d’autant plus capable de se développer [xxiii]». Ce qui est remarquable en Europe, note Wulf Siewert, ce sont les ports situés sur les estuaires des fleuves comme Hambourg, Brême, Rotterdam, Anvers, Londres et Liverpool et, du côté américain, New York, New Orleans et Buenos Aires. Certains de ces ports disposent d’un avant port (Vorhaven), car ils ne peuvent être atteints qu’à marée haute. On peut citer Cuxhaven pour Hambourg, Bremerhaven pour Brême, Saint-Nazaire pour Nantes. New York, en revanche, peut être joint sans problème en dehors de toute considération de marée. S’agissant de la côte d’Afrique, on y trouve, selon Wulf Siewert, d’excellents ports dans les estuaires comme Banana au Congo, Libreville au Gabon et Douala au Cameroun. A l’exception de ces ports, la côte d’Afrique est pauvre en ports. Le long des côtes de l’Afrique de l’Ouest, une vague déferlante empêche souvent tout accostage et oblige à mouiller, moteur en route, à proximité de la côte. « Mais c’est la partie Sud-Ouest de l’Afrique qui est plus particulièrement dépourvue de ports [xxiv]». Du côté de l’Amérique, il y a de bons ports, à la fois au Nord comme au Sud, qui autorisent un fort trafic maritime. Wulf Siewert conclut de son tour d’horizon que l’Atlantique remplit toutes les conditions pour un être le théâtre d’un trafic maritime mondial dense. On constate donc qu’à côté des caractéristiques physiques (surface, courants, climats, vents) et topographiques (configuration des côtes), Wulf Siewert met en exergue une des fonctions positives de l’élément marin[xxv] : l’océan Atlantique comme voie de communication et par conséquent théâtre de trafic maritime. Mais il n’oublie pas de se pencher sur la deuxième fonction positive de l’élément marin, la mer source de richesses.
SECTION III – L’ATLANTIQUE SOURCE DE RICHESSES
1. La pêche maritime : signification humaine et économique
« Très tôt, la mer a été nourricière. Pour beaucoup d’hommes, les poissons ont été une source essentielle de protéines. L’activité halieutique se retrouve dans toutes les parties du monde». C’est par ces phrases qu’Hervé Coutau-Bégarie commence son paragraphe consacré aux richesses de la mer dans son Traité de Stratégie[xxvi]. Wulf Siewert, bien entendu, avait en son temps fait la même analyse en donnant à la pêche une signification économique mais également humaine.
S’agissant de la géographie humaine de l’Atlantique, Wulf Siewert remarque que l’important trafic maritime dont cet océan est le théâtre signifie déjà en soi un fort rassemblement d’hommes en permanence, mais si l’on tient compte des milliers de marins pêcheurs qui tout au long de l’année peuplent la mer, alors on peut parler d’une véritable « colonisation de la mer[xxvii] ». Ici notre auteur se réfère explicitement au géopoliticien du Pacifique, Karl Haushofer[xxviii] pour, d’une part, bien indiquer au lecteur de lien filial qui l’unit au géopoliticien réputé et professeur d’Université, et, d’autre part, pour inscrire son étude dans un cadre géopolitique et même géostratégique comme nous le verrons plus loin.
A ce peuplement massif de l’Atlantique par les marins pêcheurs fait écho une activité économique de poids. En effet, « les revenus de la pêche, relève Wulf Siewert, sont estimés entre 1 à 2 milliards de Reichsmark[xxix]». Cette somme, considérable pour l’époque, lui semble même sous-évaluée, c’est dire l’importance économique qu’il accorde à cette activité dont il identifie les lieux les plus marquants.
2. Les zones de pêche en Atlantique
Les principales zones de pêche se situent à proximité des côtes et englobent les eaux jusqu’à une profondeur 200 mètres. On les trouve au large des côtes du Maroc, du Portugal et d’Espagne ; elles comprennent aussi le Golfe de Gascogne, les eaux britanniques et irlandaises, toute la Mer du Nord avec le fameux Dogger Bank, le Skagerrak et le Kattegat, les eaux côtières de Norvège jusqu’à la Mer Blanche et surtout elles couvrent les eaux au large des côtes Sud, Ouest et Est d’Islande. A proximité des côtes américaines, Wulf Siewert retient le Golfe du Saint-Laurent et les bancs de Terre-Neuve en particulier. Plus au Sud, au large de ce même continent américain, il note la présence d’autres bancs de poissons comme le Banquereau-Bank ou le Sable-Insel-Bank par exemple ou encore le George-Bank. Ces zones sont spécialement riches en poissons, car c’est là que les courants chauds et les courants froids se rencontrent favorisant de la sorte la production de plancton en masse et, par la suite, le développement de bancs de poissons. Et précisément les espèces pêchées sont nombreuses. « Le long des côtes portugaises, précise Wulf Siewert, on pêche de la sardine et du thon, en Mer du Nord principalement de la sole, de la morue, du flétan, de l’aiglefin et du hareng.[xxx]» Les prises les plus importantes de hareng sont réalisées par les marins pêcheurs norvégiens et écossais, mais les prises effectuées par les marins pêcheurs allemands ont également progressé sérieusement ces dernières années. Après le hareng, la morue est sûrement, considère notre auteur, le poisson le plus important : chaque année on capture en effet environ 300 à 400 millions d’individus. Il note enfin que « la pêche à la morue sur le plateau continental de l’Atlantique Nord à elle seule permet à 200 000 personnes de gagner leur vie[xxxi]». Wulf Siewert insiste ainsi sur le rôle économique de la pêche pour tous les pays qui ont une tradition en matière de pêche maritime. Les marins pêcheurs français méritent cependant une attention particulière.
3. Les marins pêcheurs français de Terre-Neuve (les Terre-Neuvas)
Les zones de pêche au large de Terre-Neuve sont exploitées par des marins pêcheurs de toutes nationalités : Portugais, Britanniques et Français. Les marins pêcheurs français cependant exploitent cette partie de l’Atlantique Nord depuis la fin du 18ème siècle. Ils sont pour la plupart originaires de Bretagne et Wulf Siewert considère qu’« ils comptent parmi les meilleurs marins d’Europe[xxxii] ». Ces marins, qui chaque année traversent l’Atlantique sur leurs propres chalutiers pour pêcher durant tout l’été sur le banc de Terre-Neuve, remplissent, selon Wulf Siewert, une autre fonction :«L’Etat français protège ces marins pêcheurs (…) non pour des raisons économiques, mais parce qu’il veut conserver cette souche de marins de valeur pour sa marine de guerre ; car la France n’est pas riche en marins de ce type.[xxxiii]». On voit donc que l’auteur dépasse la simple analyse économique. En réalité, il attribue aux marins pêcheurs, outre une fonction économique courante, un rôle stratégique : fournir à la marine de guerre les marins nécessaires à sa bonne marche. De nos jours, nous parlerions de réservoirs de forces ou de compétences. Wulf Siewert fait ici allusion au système de l’inscription maritime mis en place par Colbert et qui, à l’occasion des conflits, a permis à la marine d’accueillir dans ses rangs des marins de qualité et aptes au combat. C’était une originalité française que l’Allemagne et d’autres pays, on le sait par ailleurs, enviaient à la France[xxxiv]. Wulf Siewert donne une explication – pertinente – pour la politique française à l’égard de ces marins pêcheurs : ils sont protégés par l’Etat, « car la France n’est pas riche en marins ». Autrement dit : les marins pêcheurs sont une denrée rare et par conséquent il convient de les entourer de tous les égards. Wulf Siewert reviendra sur ce thème quand il traitera des différentes époques historiques de l’Atlantique. Mais auparavant, il s’intéresse à la découverte de l’Atlantique.
CHAPITRE II – GENESE D’UN OCEAN
SECTION I – DECOUVERTE DE L’ATLANTIQUE
1. Le retard historique de l’Atlantique
Contrairement à l’océan Pacifique ou à l’océan Indien, l’Atlantique n’entra dans l’histoire que relativement tard. « Malais, Chinois et Arabes, écrit Wulf Siewert, ont sillonné depuis la nuit des temps l’océan Indopacifique, si bien que cet océan a connu très tôt de grandes migrations de populations tandis que l’Atlantique était encore inconnu.[xxxv] » Et Wulf Siewert d’expliquer ce retard historique par le manque d’îles dans l’Atlantique, îles qui servent généralement de relais pour les peuples qui s’aventurent en mer. Ceci est particulièrement vrai pour le continent américain, dont les indigènes ne se sont pas lancés dans de grandes entreprises maritimes en dehors de voyages effectués en Mer des Caraïbes. Le mare atlanticum cependant était déjà connu dans l’Antiquité et l’Atlantique, tel qu’on le connaît aujourd’hui, a finalement pu être découvert à différentes époques historiques par des peuples venus d’Europe ou du Bassin méditerranéen.
2. L’Atlantique dans l’Antiquité
Dans l’Antiquité, le mare atlanticum était certes déjà parcouru, mais il est clair qu’il recouvrait tout autre chose. A l’époque, on désignait en effet la mer située à l’Ouest des Colonnes d’Hercule mare atlanticum ou encore océan de l’Ouest (westlicher Ozean) par opposition à l’océan Indien. Wulf Siewert rappelle que les premiers Européens qui se sont aventurés hors de Méditerranée furent des Phéniciens et des Carthaginois qui, en marins intrépides, se sont affranchis de la navigation côtière. « On peut estimer, écrit-il, que déjà vers 1200 av. J.-C. l’Atlantique de l’Est, à l’Ouest de Gibraltar jusqu’au Finistère et peut-être même jusqu’aux Iles Scilly [il], fut traversé pour commercer avec les habitants des côtes de la Mer du Nord et de la Baltique.[xxxvi]» La découverte des Canaries, selon Wulf Siewert, est également imputable aux Phéniciens qui chez Pline et Ptolémée s’appellent insulae fortunatae, les îles joyeuses (die glücklichen Inseln[xxxvii]). On dit également que le navigateur carthaginois Hanno, vers 465 av. J.-C., est même parvenu jusqu’au Golfe de Guinée après avoir longé en direction du sud les côtes d’Afrique. A la même époque, Himilco aurait réussi, en allant vers le nord, à rejoindre la Bretagne. On rapporte aussi, selon Wulf Siewert, que « Pytheas de Marseille[xxxviii] est en tout cas arrivé vers 325 av. J.-C. jusqu’au Jutland, au Nord de la Grande-Bretagne et aux Iles Shetland [xxxix]». Si dans l’Antiquité l’Atlantique ne fut parcouru et connu que partiellement, le Moyen âge ne changea pas fondamentalement cet état de fait, même si les Normands y jouèrent un rôle important.
3. Les Normands au Moyen âge
Au Moyen âge, considère Wulf Siewert, « Méditerranée et Baltique formaient les grands bassins de communications maritimes mondiales dont on n’osait pas franchir les limites[xl]». Seuls les Normands prirent une place originale dans l’évolution historique de l’époque. Ils colonisèrent en effet les îles Féroé en 861, l’Islande en 865 et la partie Sud-Ouest du Groenland en 982. A partir de ces nouveaux territoires, rapporte Wulf Siewert, le chef viking Leif Erikson entreprit d’intrépides expéditions vers l’ouest qui lui permirent en 1001 de mettre le pied sur le continent américain, sans doute sur les côtes du Labrador. Wulf Siewert conclut, à partir de ces éléments qu’il considère comme objectifs : « Les Normands furent de la sorte les premiers Européens à avoir découvert et foulé au pied l’Amérique.[xli]» Leurs expéditions sont attestées et vérifiées, selon Wulf Siewert, même s’il subsiste des zones d’ombre en ce qui concerne les territoires précisément découverts. Mais notre auteur va plus loin dans son analyse : « Les Normands eux-mêmes, écrit-il, n’étaient pas conscients d’avoir découvert une nouvelle terre et c’est pourquoi les expéditions des Vikings n’ont pas eu dans l’histoire de la découverte de l’Atlantique la moindre suite ou conséquence.[xlii]» Cette perception non historique de la découverte de l’Amérique explique que l’historiographie ait oublié les voyages des Vikings « de sorte que la découverte réelle de l’Amérique cinq cents ans plus tard fut pour l’Europe une surprise totale[xliii]».
4. Les autres tentatives d’exploration de l’Atlantique
4.1 Considérations généralesA partir du milieu du 14ème siècle, des tentatives d’exploration de l’Atlantique – celles-ci conscientes – furent lancées à partir des Etats ibériques. Ainsi, selon Wulf Siewert, des marins génois et portugais ont découvert à cette époque les Canaries, Madère et les Açores et ont peuplé ces îles. La découverte de ces îles est attestée, selon Wulf Siewert, par leur apparition sur les cartes nautiques, comme par exemple en 1375 sur les célèbres cartes mondiales catalanes. En réalité cependant, estime Wulf Siewert, la haute mer de l’Atlantique restait inconnue des hommes.
Il faudra attendre le 15ème siècle et l’avancée des Turcs dans les régions de la Méditerranée orientale, qui eut pour conséquence le contrôle des routes commerciales vers l’Orient par les Ottomans, pour que l’Atlantique soit réellement découvert. En effet, pour contourner les difficultés sur terre, on chercha « une route maritime directe pour rallier l’Inde et accéder de la sorte directement aux richesses de l’Orient en évitant en même temps tous les intermédiaires [xliv]». Ainsi on peut dire que pendant plus de deux cents ans la recherche d’une route maritime vers l’ouest et l’est pour rejoindre la Chine et le Japon a tenu les Européens en haleine.
Wulf Siewert souligne aussi un autre facteur, d’ordre religieux cette fois, ayant contribué à la découverte de l’Atlantique. L’Espagne, en lutte contre l’Islam et les Maures sur son propre territoire, après la reconquête du sol national, « souhaita combattre l’Islam aussi dans les autres parties du monde et répandre le Christianisme parmi d’autres peuples[xlv]». Par delà ces considérations générales, Wulf Siewert rappelle dans son ouvrage Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres le rôle des célèbres navigateurs portugais et espagnols, mais aussi celui des marins anglais, français et allemands dans la découverte de l’Atlantique.
4.2 Les navigateurs portugais et espagnols
Les Portugais se lancèrent d’emblée, selon Wulf Siewert, à la conquête des côtes africaines non sans s’être au préalable assurés la prise de Ceuta en 1415 par le Prince Henri dit le navigateur. Ce même personnage, qui tout au long de son existence se consacra à la recherche de la route vers l’Inde, « fonda non loin du Cap Saint-Vincent une école nautique et d’astronomie et organisa à partir de 1420 avec des moyens importants de nombreuses expéditions maritimes le long des côtes africaines[xlvi]». A cette époque, seules les côtes jusqu’au Cap Bojador avaient pu être explorées, précise Wulf Siewert. Ce n’est qu’en 1445 que Dinis Dias est arrivé aux îles du Cap Vert, rappelle justement notre auteur, le Golfe de Guinée quant à lui n’a été découvert que quelque vingt années plus tard, en 1472. Ces découvertes conférèrent au Portugal un prestige de plus en plus visible dans le domaine maritime. Wulf Siewert souligne également un événement remarquable dans ce domaine : « la découverte de l’embouchure du fleuve Congo en 1484 par Diego Câo, grâce à l’aide d’un Allemand, l’astronome Martin Behaim, qui l’accompagnait en qualité de conseiller et d’officier navigateur[xlvii]». Les Portugais poursuivirent la découverte des côtes africaines jusqu’à la fin du 15ème siècle. Ainsi, remarque Wulf Siewert, c’est à Bartolomé Dias que revient le privilège de contourner le premier la pointe sud de l’Afrique en 1486, sans cependant être en mesure de poursuivre sa route vers l’Inde pour cause de mutinerie de l’équipage. « C’est seulement Vasco de Gama, le grand navigateur, qui eut la chance de réaliser cet exploit en 1497-1498 permettant ainsi au Portugal de contrôler l’océan Indien et le monopole des épices[xlviii]».
En dernière analyse, Wulf Siewert considère que le Portugal, petit pays, à d’énormes mérites dans la découverte des côtes de l’Afrique de l’Ouest et de celle de la route maritime en direction de l’est vers l’Inde.
Contrairement aux Portugais qui empruntèrent très tôt la route maritime vers l’Inde en direction de l’est, les Espagnols, de leur côté, regardèrent plutôt vers l’ouest. Wulf Siewert rappelle à cet égard que Christoph Colomb, Génois d’origine au service du Portugal, se tourna vers l’Espagne pour concrétiser l’idée de Toscanelli : rejoindre l’Inde par l’ouest. Wulf Siewert indique aussi que les quatre voyages de Christoph Colomb entre 1492 et 1503 qui conduisirent à la découverte des Bahamas, des Petites et Grandes Antilles et du continent sud-américain au Nord-Ouest de Trinidad, convainquirent le monde entier que la terre était ronde et l’Atlantique navigable. En conséquence, conclut Wulf Siewert, et ceci est important au regard de notre étude : « Christoph Colomb restera éternellement célèbre pour avoir réalisé de manière consciente la première traversée de l’océan Atlantique d’est en ouest et d’ouest en est. Grâce à cet exploit, il donna réellement à l’histoire de l’humanité une nouvelle direction[xlix].» En effet, même si jusqu’à la fin de sa vie il fut convaincu d’avoir atteint la Chine, le Japon et l’Inde, « la découverte de l’Amérique signifia pour l’Europe la conquête d’un nouveau monde, l’extension de son horizon géographique et politique, le déplacement des routes maritimes, de l’économie et par conséquent du centre de gravité politique de l’Europe[l]».
A ce stade, on peut dire que l’analyse de Wulf Siewert est des plus classiques sauf, sans doute, en ce qui concerne la découverte «consciente» de l’Atlantique et sur laquelle il conviendra de revenir. Précisément, s’agissant de l’Atlantique, il fut considéré encore longtemps après Christoph Colomb comme un chemin pour atteindre, en direction de l’ouest, les îles aux épices (die Gewürzinseln[li]), la riche Inde et la fabuleuse Cathay. Notre auteur indique encore que les nombreux navigateurs espagnols et italiens comme Alfonso de Hojeda, le Basque Juan de la Cosa, Pinzon et Amerigo Vespucci cherchèrent également un passage à travers le continent américain en direction de l’ouest. Balboa, rappelle Wulf Siewert, traversa à pied, en 1513, l’isthme de Panama et prit possession symboliquement de l’océan Pacifique au nom de la couronne espagnole en y plantant son pavillon. Mais Wulf Siewert n’oublie pas de revenir sur l’exploit du Portugais Fernando Magellan qui, au service de la couronne d’Espagne, trouva un passage vers l’ouest en octobre 1520. « Il fut le premier homme à faire le tour du monde à la voile, écrit-il, et reste de ce fait le plus grand navigateur de tous les temps.[lii]» Par delà ce rappel purement factuel, il se risque à considérer que la nouvelle de la découverte de l’Amérique et des expéditions à travers l’Atlantique a sans doute marqué plus profondément cette époque que la traversée de l’Atlantique en avion par Lindbergh et d’autres la nôtre. « Car à cette époque, estime-t-il, un monde encore inconnu restait à découvrir[liii].» A côté des Portugais et des Espagnols, les Anglais, les Français et d’autres ont également participé à la découverte de l’Atlantique
4.3 Les marins anglais et français
En dehors de Giovanni Caboto, Génois au service de l’Angleterre, qui parvint en 1497 jusqu’aux côtes de la Nouvelle-Ecosse, d’autres navigateurs ont mis le pied sur le contient nord-américain. Ainsi, Wulf Siewert rappelle que Jacques Cartier découvrira le Golfe du Saint-Laurent et le Canada alors qu’il était à la recherche d’un passage vers l’Inde en direction de l’ouest. Notre analyste estime également qu’à partir de 1540 les contours géographiques les plus importants de l’Atlantique étaient connus, grâce à l’activité de marins hors pairs. Cependant, pendant deux cents ans encore, une question tourmenta les nations maritimes : celle du passage maritime nord-ouest et du passage nord-est. On pensait à cette époque, en contournant l’Amérique au Nord ou l’Asie au Nord, pouvoir trouver l’océan Pacifique et en même temps une route maritime directe vers la Chine et l’Inde.
Les Anglais, souligne Wulf Siewert, commencent à parcourir l’Atlantique à partir des années 1550. En effet, « en 1553 les Anglais Willoughby et Chancellor franchirent le Cap Nord, pénétrèrent dans ce que l’on appellera plus tard la Mer de Barents et entrèrent en contact avec les Russes à Archangelst. Martin Frobisher chercha lui aussi le passage nord-ouest mais il dut rebrousser chemin tandis que John Davis poussa plus loin vers le nord et découvrit de la sorte le détroit auquel il donna son nom. Henry Hudson réussit en 1610, alors qu’il était lui aussi à la recherche d’un passage nord-ouest, à pénétrer dans la Baie d’Hudson, qui ressemblait à une vaste mer et dont le caractère fermé ne put être constaté qu’en 1741 par Middleton[liv]». Enfin, Wulf Siewert n’oublie pas de citer William Baffin, un autre navigateur anglais, qui est à l’origine de la découverte de la fameuse Baie de Baffin qui a permis de connaître les parties de l’Atlantique situées le plus au Nord-Ouest.
A partir de cette description de l’épopée des grands navigateurs portugais, espagnols, français et anglais, Wulf Siewert tire plusieurs enseignements au regard de la découverte de l’Atlantique.
En premier lieu, il considère que l’humanité n’a reconnu que bien tardivement que le passage nord-ouest par voie de mer vers le Pacifique était impraticable avec les moyens techniques de l’époque – Willoughby et Chancellor ont été les premiers à le reconnaître – et que « seule au Sud du continent américain, une route entre l’Atlantique et le Pacifique était possible, mais qui en raison des tempêtes qu’elle subissait ne fut utilisée que rarement[lv]».
En second lieu, Wulf Siewert pense que pendant la période espagnole, c’est-à-dire aux 15ème et 16ème siècles, on emprunta principalement l’isthme de Panama pour aller de l’Atlantique au Pacifique. Cette voie terrestre contribua, selon lui, à la conquête du Chili.
Il estime, en troisième lieu, que les côtes du Groenland ne furent redécouvertes qu’aux 18ème et 19ème siècles principalement par des Scandinaves et des Allemands, reprenant la thèse de Koldewey et de Wegener.
Ces conclusions partielles l’amène à une conclusion générale : l’Atlantique est « une mer entrée très tardivement dans la lumière de l’humanité. (…) Mais plus l’homme réussit à surmonter les particularités et difficultés de l’océan Atlantique, plus ses côtes occidentales furent colonisées, plus cet océan devint l’un des théâtres politiques et économiques les plus importants de l’Européen. Il devint purement et simplement le véritable océan[lvi]».
Avec cette conclusion générale, Wulf Siewert veut faire comprendre au lecteur que l’Atlantique joue au rôle majeur dans l’histoire des hommes à partir des 18ème et 19ème siècles en tant que carrefour de communications, supplantant du même coup dans ce rôle la Méditerranée. Mais à côté de son approche purement historique de la découverte de l’Atlantique, il conduit sa réflexion dans une autre direction, plus philosophique celle-là : il essaie de cerner les périodes historiques de l’Atlantique, moments qui correspondent à une véritable progression dialectique, au sens hégélien du terme, de l’histoire de l’Atlantique dans son ensemble.
SECTION II – LES QUATRE MOMENTS HISTORIQUES DE L’ATLANTIQUE, EXPRESSION DE LA DIALECTIQUE HEGELIENNE
Selon Wulf Siewert, l’histoire de l’Atlantique compte quatre moments : la période hispano-portugaise, la période hollandaise, la période franco-britannique et la période américano-britannique. Chacune d’entre-elles a son originalité propre.
SOUS-SECTION I – L’EPOQUE HISPANO-PORTUGAISE
Wulf Siewert considère, comme déjà indiqué, que les peuples de la péninsule ibérique sont les premiers à avoir entrepris de manière consciente et organisée la découverte de l’Atlantique. Il avance plusieurs explications pour ces entreprises lancées par les Espagnols et les Portugais selon des voies toutefois différentes.
1. Traits généraux de la période
Une première série de raisons donnée par notre auteur allemand est d’ordre culturel et technique. « L’extraordinaire force de caractère, en particulier des Espagnols qui sont des guerriers nés, constitua la meilleure base pour une conquête de grande ampleur[lvii]», écrit Wulf Siewert. L’esprit de la Renaissance insuffla également aux hommes l’envie de découvrir d’autres rives. La péninsule ibérique capta en outre les expériences et les avancées techniques et maritimes des peuples du Nord et de la Méditerranée. A titre d’exemple, Wulf Siewert observe que les Italiens ont introduit le compas dans la navigation, et qu’à Lisbonne, grâce à l’aide d’un savant de Nuremberg répondant au nom de Regiomontanus, les moyens astronomiques nécessaires à la navigation ont pu être améliorés. Wulf Siewert insiste également sur un autre élément technique : l’art de louvoyer. « Ce qui devint également très important pour le développement ultérieur de la suprématie portugaise, précise-t-il, fut l’art de la navigation, c’est-à-dire l’art de louvoyer, dont l’Européen avait à présent la maîtrise et qui lui permettait une bien plus grande manœuvrabilité, alors que les Arabes par exemple n’étaient habitués à naviguer que vent arrière.[lviii]» La qualité des équipages portugais a également permis, aux yeux de Wulf Siewert, de se rendre dans les eaux de Terre-Neuve pour y pratiquer la pêche. Il estime en particulier que les peuples européens qui disposaient de côtes atlantiques ont pu bénéficier de l’expérience acquise par l’ensemble des marins ayant traversé l’Atlantique Nord. Il s’agit en premier lieu des Portugais, des Français et des Allemands. A titre d’exemple, notre analyste allemand rapporte que dès le début du 16ème siècle, les marins pêcheurs portugais, français et basques se retrouvèrent sur les bancs de Terre-Neuve, rejoints et combattus plus tard par les Anglais et les Néerlandais. A cet égard, il considère que les luttes pour le contrôle de ces ressources halieutiques constituèrent les premiers affrontements dans l’Atlantique à ces latitudes.
Au plan politique – c’est là une conséquence et non une explication – la découverte de l’Atlantique eut une résonance particulière pour l’Europe : « Pour la première fois l’ Européen parcourut un véritable océan, un océan ouvert où prévalaient d’autres règles que celles qui avaient cours dans les mers périphériques et les petites mers et qui avaient été jusque-là le théâtre de nombreuses batailles navales.[lix]» En d’autres termes, la découverte consciente de l’Atlantique par les Européens a projeté l’Europe dans une nouvelle dimension, dimension certes géographique mais également historique. Wulf Siewert insiste sur ce mouvement historique quand il écrit qu’« un souffle traverse l’histoire de l’Europe, histoire qui désormais est devenue une véritable histoire de l’humanité[lx]». C’est à l’océan Atlantique que revient le mérite, selon lui, d’avoir sorti les peuples européens de l’Ancien monde du cadre étroit des mers périphériques et moyennes et de les avoir conduit vers la haute mer. Ceci permet à Wulf Siewert d’affirmer sans ambages : « L’Atlantique devint le plus grand éducateur des habitants de l’Europe et a rendu le monde post colombien adulte[lxi]»
2. La primauté hispano-portugaise dans l’histoire de l’Atlantique
La question qui reste en suspens aux yeux de Wulf Siewert est la suivante : pourquoi les peuples ibériques, qui en tant que marins étaient à l’époque insignifiants, ont-ils été les premiers à ouvrir la période de l’histoire de l’Atlantique, alors que les peuples de la Hanse ou les Italiens étaient bien plus avancés au plan maritime ? Wulf Siewert donne deux premiers éléments de réponse : le commerce en Baltique et en Méditerranée, d’une part, et la situation géographique de la péninsule ibérique, d’autre part.
2.1 Le commerce en Baltique et en Méditerranée
On observe de la part des peuples d’Europe du Nord et de la Méditerranée une grande réserve par rapport à l’Atlantique précisément, selon Wulf Siewert, « parce qu’ils étaient placés depuis des siècles au centre d’un espace économique et commercial qui était toujours ouvert à toutes les routes commerciales connues. Les commerçants allemands de la Hanse vivaient du trafic est-ouest en Mer du Nord et en Baltique. Les Italiens vivaient du trafic de la Méditerranée qui transitait sur des routes maritimes bien établies. Pour ces deux peuples, il était important que le commerce, qu’ils contrôlaient du point de vue économique mais aussi stratégique, soit maintenu à son niveau et qu’il restât entre leurs mains [lxii]». Car toute perte de trafic au profit d’autres voies commerciales conduisait, selon eux, à un affaiblissement de leur position dominante. Un déplacement du commerce mondial vers l’Atlantique ne pouvait que nuire aux commerçants allemands de la Hanse et aux Italiens, et dans ces conditions, ils étaient davantage disposés à défendre leur propre commerce, connu et sûr, plutôt que de s’aventurer sur un océan qui, au demeurant, au 15ème siècle ne représentait pas un volume important.
Par ailleurs, il est intéressant de relever ici que, paradoxalement, la volonté exploratrice de ces navigateurs italiens et allemands eut des conséquences particulèrement tragiques (eine besondere Tragik[lxiii]) pour le développement ultérieur de ces peuples dans la mesure où, par leur action, ils ont bien involontairement nui à leur peuple et à leur pays. En effet, « leur pays retourna à partir de ce moment-là vivre à l’ombre de l’histoire [lxiv]». A ce titre, Wulf Siewert mentionne les navigateurs allemands Federmann, Ehringer, Behaim, Müller (Regiomontanus), Philipp von Hutten, mais aussi les Italiens Colomb, Caboto, Vespucci et Verrazano qui furent tous contraints de se mettre au service de puissances étrangères. « [A partir de cette époque], l’Empire allemand et l’Italie, puissances dominantes au Moyen âge, ont ensemble pris le chemin de la décadence, tandis que les puissances atlantiques connurent un fort développement au cours duquel la lutte pour la suprématie navale dans l’Atlantique joua un rôle significatif.[lxv].
2.2 L’importance de la position géographique
A côté du commerce, Wulf Siewert, souligne l’importance de la géographie dans l’essor des Espagnols et des Portugais sur l’Atlantique. En effet, le Portugal et l’Espagne ont en quelque sorte à leur disposition cet océan qui longe leurs côtes, caractéristique qui a grandement favorisé sa découverte par ces pays.
A ce stade, on pourrait cependant objecter que la Grande-Bretagne également connaissait une situation géographique favorable et pourtant les Anglais ne furent pas les premiers à avoir fait entrer l’Atlantique dans l’histoire de l’humanité. On reviendra sur cet aspect, quand on examinera la période franco-britannique qui correspond à un moment historique bien plus tardif. Il convient de noter aussi, comme Wulf Siewert, que le Portugal et l’Espagne empruntèrent des chemins différents pour découvrir l’Atlantique et ce en raison de leur génie propre.
3. L’opposition entre le Portugal et l’Espagne
3.1 Le Portugal : un pays tourné vers la mer
S’agissant du Portugal, Wulf Siewert émet l’hypothèse suivante : « Etant trop faible en tant que puissance terrestre face à une Espagne beaucoup plus forte pour pouvoir jouer un rôle déterminant sur le continent, il chercha une possibilité de développement et d’expansion en direction de la moindre résistance, donc de la mer.[lxvi]» Le Portugal disposait aussi d’une bonne côte atlantique et d’un extraordinaire port, Lisbonne, qui constituait depuis longtemps déjà une destination privilégiée pour le commerce des Italiens entre la Méditerranée et les Flandres. Wulf Siewert rapporte également que les Portugais se comportèrent davantage en commerçants qu’en colonisateurs et établirent à cet effet un réseau de points d’appui et de comptoirs commerciaux le long des côtes africaines d’abord et indiennes ensuite. Dans l’océan Indien, ils rencontrèrent les Arabes qui tenaient là-bas le commerce entre leurs mains. « C’est la raison pour laquelle, indique Wulf Siewert, depuis le début les Portugais furent contraints de faire la guerre sur mer, et ce faisant, ils devinrent des marins victorieux.[lxvii]» Les deux plus grands héros portugais, d’Almeida et d’Albuquerque, attestent des exploits de ce petit peuple qui a toujours combattu, selon Wulf Siewert, contre plus fort que soi. Il en fut tout autrement pour l’Espagne.
3.2 L’Espagne : un pays tourné vers le continent
Depuis la réunion de la Castille avec l’Aragon en 1469, l’Espagne qui, aux yeux de Wulf Siewert, s’est engagée dans une voie toute autre que celle du Portugal, s’est tournée davantage vers la Méditerranée. Notre auteur allemand rappelle aussi, et à juste titre, qu’en ce temps-là, la Sicile et l’extrême Sud de l’Italie faisaient partie de l’Espagne. Seule la Catalogne disposait à la fois d’une côte donnant sur l’Atlantique et sur la Méditerranée. Mais le Catalan qui dirigeait à cette époque l’Espagne était un homme étranger à la mer et entièrement tourné vers le continent. Du point de vue de la découverte de l’Atlantique, « ce fut un malheur pour l’Espagne qu’elle ait été, en tant que puissance continentale disposant de côtes méditerranéennes, placée devant d’énormes responsabilités en matière de politique maritime sans avoir de puissance maritime[lxviii]». Et là aussi, l’Espagne, aux yeux de Wulf Siewert, se distingue nettement du Portugal en ce sens que les colonies américaines tombèrent dans son escarcelle d’un seul coup, alors que le Portugal avait découvert seul la route des Indes au cours de longues décennies de recherche.
Ce qui manquait aussi à l’Espagne pour se transformer en puissance maritime, c’était la présence sur son sol d’une forte population de marins (eine starke seemännische Bevölkerung). En effet, les Basques d’une part et les Catalans attachés à la mer Méditerranée d’autre part étaient relativement peu nombreux, estime Wulf Siewert. Ceci eut une influence déterminante dans leur appréhension de l’Atlantique. Alors que « les Portugais se sont formés aux choses de la mer grâce à leurs combats dans les mers froides autour de Terre-Neuve et près du Cap de Bonne Espérance, les Espagnols se cantonnèrent principalement dans la partie centrale et chaude de l’Atlantique et évitèrent les latitudes tempétueuses[lxix]». Les Espagnols étaient donc, aux yeux de Wulf Siewert, moins bien amarinés et ceci explique également qu’ils n’avaient pas contourné le continent sud-américain par le Cap Horn pour rejoindre la côte Ouest de l’Amérique et qu’ils aient fait passer le trafic commercial à destination du Pérou par l’isthme de Panama. C’est seulement à partir de 1619, indique Wulf Siewert, que les premiers navires espagnols franchirent le Cap Horn pour rejoindre le Pérou. Malgré cela, souligne notre analyste allemand, ce trafic n’a jamais pris une importance notoire. Les Espagnols continuèrent longtemps encore à privilégier la voie terrestre, à telle enseigne que « les pays de La Plata furent d’abord explorés à partir de la façade atlantique à travers les Andes au lieu de l’embouchure de La Plata ce qui eût été plus naturel[lxx]». Cette orientation de l’Espagne montre que ce pays n’avait pas de stratégie maritime active dans l’Atlantique, estime fort justement notre marin allemand.
3.3 L’Espagne : un pays sans stratégie maritime active sur l’Atlantique
Si l’on comprend bien Wulf Siewert, l’Espagne était aux 15ème et 16ème siècles complètement tournée vers la terre et les Espagnols ne formaient pas un peuple de marins. Paradoxalement, pourrait-on ajouter, ce pays hérita des colonies sud-américaines, mais ce fut presque par hasard et en tout cas seulement grâce à l’œuvre de navigateurs étrangers qui s’étaient mis au service de la couronne espagnole. C’est en tous ces points, il convient de le souligner, que les Espagnols se distinguent des Portugais et, dans ces conditions, leur découverte de l’Atlantique diffère également. Wulf Siewert pousse son analyse un peu plus loin : à cette réserve de l’Espagne par rapport à la découverte de l’Atlantique, il donne des explications d’ordre historique, économique et climatique.
Les Espagnols ne trouvèrent à leur arrivée en Amérique presque aucune navigation. Les Indiens ne pratiquaient qu’une navigation côtière rudimentaire. Et Wulf Siewert d’en tirer une conclusion très percutante : « En raison de cette absence de navigation, l’Espagne n’eut pas à combattre un ennemi sur mer, ce qui fut grandement préjudiciable pour le développement de sa stratégie maritime future. Car il leur manquait l’expérience des guerres navales que les Portugais acquirent dans leurs luttes contre les Arabes.[lxxi]» Wulf Siewert affirme en conséquence, et son analyse semble très juste, qu’en ce qui concerne l’Espagne la navigation était uniquement un moyen pour atteindre le but (ein Mittel zum Zweck[lxxii]), c’est-à-dire un moyen pour acheminer les ressources des colonies jusqu’au territoire national. Là encore, l’attitude des Espagnols diverge sérieusement par rapport à celle des Portugais, puisque pour ces derniers le navire était « un important moyen de combat et de communication pour exercer leurs activités commerciales[lxxiii]». Le faible développement de l’esprit marin et de la stratégie navale trouve son origine également dans des choix militaires imposés par le système commercial.
En effet, les tâches de protection des navires de commerce qui ramenaient, en convois, les richesses du Pérou ou du Mexique vers l’Espagne correspondaient à « une tactique défensive des navires de guerre (…), [posture] qui interdit l’émergence au sein de la marine espagnole d’une volonté offensive[lxxiv]». Or chacun sait, rappelle Wulf Siewert, que les équipages menant des opérations navales purement défensives souffrent de dépression et ont donc un mauvais moral, ce qui, à n’en pas douter, ne contribue pas à développer l’esprit marin[lxxv]. Ici, il convient de rappeler que Wulf Siewert a déjà développé cette idée dans son ouvrage Die britische Seemacht que nous avons largement analysé dans la première partie de la présente étude.
Les conditions climatiques ont aussi contribué à enfermer les Espagnols dans une stratégie navale frileuse. En effet, les alizés, soufflant du nord-ouest, permettaient de naviguer d’étapes en étapes, d’îles en îles. Ainsi, les marins espagnols rejoignaient-ils d’abord les Canaries, puis les petites Antilles ce qui leur évitait d’affronter le grand océan sur un trop grand parcours. Ensuite, les navires longeaient les côtes sud-américaines, à proximité des côtes bien entendu, faisaient escale à Coro ou Porto Belo sur l’isthme de Panama, à Veracruz en Amérique centrale. Pour le chemin du retour, ils traversaient le Golfe du Mexique, faisaient relâche à La Havane et prenaient ensuite la route vers l’est en passant par Saint-Domingue. Sur ce parcours, les marins naviguaient un peu plus au Nord en raison des vents d’ouest et faisaient escale aux Açores. Les grandes traversées océaniques leur étaient donc étrangères. L’idée que Wulf Siewert essaie de faire partager au lecteur est que les grandes traversées océaniques étaient étrangères aux Espagnols. Ils n’étaient donc pas, selon lui, de véritables marins habitués à la navigation dans le vaste océan atlantique.
On constate par conséquent qu’à la fois les conditions climatiques mais aussi le système économique et commercial tout comme la nature profonde du peuple espagnol tourné vers le contient et l’avancement de la navigation en Amérique du Sud ont enfermé les Espagnols, contrairement aux Portugais, dans une stratégie navale défensive et frileuse, qui à son tour, par une sorte de dialectique négative, a coupé les Espagnols de la découverte et de l’appropriation de l’Atlantique comme océan. Si les Espagnols n’ont pas fait le choix de l’océan Atlantique, en contrepartie, ils se sont consacrés d’emblée à la découverte et à la conquête du continent sud-américain avec une énergie sans pareille.
4. La suprématie de l’armée de terre espagnole
4.1 Les Espagnols : des fantassins hors pairs
Alors qu’ils s’étaient largement détournés de la mer et que l’Atlantique n’était compris que comme un moyen pour atteindre les richesses situées sur un autre continent, les Espagnols ont développé précisément aux fins de conquête de l’Amérique du Sud une stratégie terrestre très efficace. L’infanterie espagnole, selon Wulf Siewert, était au centre de cette stratégie terrestre qui permit à l’Espagne de conquérir le Pérou et le Mexique notamment.
Les fantassins espagnols ont trouvé sur le sol sud-américain les mêmes conditions qu’en Espagne. En effet, les peuples indiens vivaient sur les hauts plateaux du Mexique, du Pérou et de la Colombie tandis que les régions côtières étaient désertées en raison des risques de fièvre. Grâce au courage de la fameuse infanterie espagnole et d’une poignée d’aventuriers décidés, le Pérou et le Mexique ont pu être conquis. Wulf Siewert considère cette conquête comme exemplaire : « Un exemple du plus grand courage qui n’est troublé que par les atrocités commises à cette occasion.[lxxvi]» Les Espagnols ont mené leurs conquêtes, pas à pas, sur toute l’étendue du continent, contrairement aux Portugais, en renforçant leur position par l’installation de colons. Leur stratégie terrestre était également fondée sur la conversion au catholicisme des indigènes et la préparation militaire permanente des colons. En ce sens, Wulf Siewert affirme que l’Eglise catholique a pris une part importante à la colonisation de l’Amérique du Sud.
Cependant, si on peut dire que les Espagnols ont réussi à transformer tout le continent sud-américain en continent espagnol, à l’exception du Brésil, ils n’ont toutefois pas réussi à faire de l’Atlantique une mer espagnole. Wulf Siewert réitère ici une de ses idées maîtresses : l’Espagne n’est décidément pas un pays de marins et si les Espagnols ont bien conquis presque toute l’Amérique du Sud, « ils n’ont pas pour autant réussi à transformer l’Atlantique en une mer espagnole[lxxvii]». Cette faiblesse va interdire à l’Espagne de devenir une véritable puissance coloniale et puissance mondiale.
4.2 L’Espagne : une grande puissance fondée exclusivement sur l’armée de terre ou l’impossible puissance atlantique
Pour élever l’Espagne au rang de puissance mondiale – cela suppose la possession de colonies selon Wulf Siewert – il eût fallu qu’elle détienne la puissance maritime. Car toute politique coloniale et donc mondiale exige la maîtrise et le contrôle des voies maritimes atlantiques menant aux colonies, ce qui signifie en un mot l’acquisition de la puissance maritime. Or, « cette question fut traitée négligemment par l’Espagne[lxxviii]». L’Espagne n’a jamais développé de politique active pour acquérir cette puissance maritime. Les faits relatés par Wulf Siewert attestent de la justesse de son analyse.
En premier lieu, la politique menée par Philippe II entraîna l’Espagne de plus en plus dans la politique européenne ce qui obligea l’Espagne « à consacrer à l’armée de terre toutes ses forces vives et ses ressources financières pour maintenir sa suprématie en Europe[lxxix]». En d’autres termes, on peut dire que l’Espagne s’est tournée à cette époque résolument vers le continent européen, politique qui interdit à ce pays, faute de moyens suffisants de promouvoir en même temps une politique coloniale et une stratégie maritime offensive. L’or et l’argent qui affluaient des colonies ne servaient qu’à l’entretien de la grande armée et la puissance de l’Espagne ne s’exprimait à cette époque qu’à travers la puissance de son armée de terre. « L’Espagnol même n’était pas un marchand ni un homme d’affaires. Il était avant tout un soldat et un prêtre[lxxx]», écrit Wulf Siewert. Il conviendrait d’ajouter ici qu’il n’était pas un marin. C’est pour ces raisons qu’aucune politique sérieuse en faveur de l’Atlantique – qui aurait également exigé comme condition préalable la maîtrise de l’Atlantique – ne pouvait voir le jour en Espagne. « Mais une puissance navale sans commerce maritime est impensable.[lxxxi]» Or précisément, les Espagnols étaient, selon Wulf Siewert, trop fiers pour faire du commerce et de ce fait l’Espagne ne pouvait devenir une puissance maritime atlantique.
En second lieu, rappelle Wulf Siewert, leur position sur l’Atlantique ne put être maintenue pendant les premières décennies du 16ème siècle que grâce à l’absence de concurrence sur cet océan. De concert avec les Portugais, ils s’étaient réparti les zones de l’Atlantique : « Les Espagnols ne revendiquèrent que la route vers les Caraïbes, tandis que les Portugais prenaient possession militairement de l’Atlantique Sud et de la route vers les Indes orientales.[lxxxii]» Wulf Siewert insiste donc sur cette entente raisonnable entre Espagnols et Portugais qui seule a permis à ces peuples de dominer un temps les voies de communication atlantiques. On peut dire que ce modus vivendi résultait en réalité d’une analyse raisonnée de la situation militaire par chacun d’entre-eux : « Le Portugal était trop faible sur terre pour attaquer l’Espagne, l’Espagne était trop faible sur mer pour évincer le Portugal.[lxxxiii]» Il est à noter aussi que ce partage de l’Atlantique entre Espagnols et Portugais avait été anticipé par la ligne de démarcation établie par le Pape Alexandre VI dans le Traité de Tordesillas du 7 juin 1494 séparant les zones d’influence portugaise et espagnole.
Wulf Siewert rapporte une troisième série d’événements – les jalousies des autres peuples européens – pour asseoir son analyse qui, rappelons le, est la suivante : l’absence de puissance navale a non seulement empêché l’Espagne – réunie sous la même couronne avec le Portugal à partir de 1580 – de devenir une véritable puissance mondiale mais a aussi et surtout réduit ce pays à un rôle de second rang.
En effet, la Couronne d’Espagne n’a pas ressenti la nécessité de développer sa puissance navale pourtant nécessaire à la protection de ses colonies et de son commerce maritime alors même que, simultanément, colonies et commerce atlantique suscitaient parmi les autres peuples européens, tels les Français, les Hollandais et les Anglais de grandes jalousies. Ceux-ci avaient eu connaissance des énormes richesses extraites des mines d’Amérique du Sud et par conséquent « commencèrent à attaquer les navires marchands, les colonies et les routes maritimes [lxxxiv]». « La contrebande, écrit Wulf Siewert, avec les colonies américaines augmenta d’année en anné.[lxxxv]» Pour maintenir sa position mondiale, l’Espagne décida alors de s’attaquer à ses concurrents sur terre. D’abord, elle combattit les Pays-Bas qui s’étaient révoltés à plusieurs reprises contre l’Espagne. Mais au lieu d’exclure les Pays-Bas complètement du trafic maritime, ce qui aurait permis de faire cesser les attaques contre le commerce espagnol tout naturellement, on s’attaqua aux forteresses hollandaises, insiste Wulf Siewert. On constate ici que l’Espagne a réagi non pas comme puissance maritime – cette dernière était faible au vu de ses forces navales dont le développement avait été négligé selon Wulf Siewert –, mais surtout comme puissance continentale. L’Espagne signa par cette attitude le début de la fin de la période hispano-portugaise. Car dans leur lutte contre les Espagnols, les Hollandais profitèrent de l’aide des Anglais. Ensemble, la Hollande et l’Angleterre, disposaient de marins de grande qualité, très amarinés grâce aux campagnes de pêche effectuées dans les mers nordiques. Les Drake, Hawkins, Frobisher devinrent ainsi au fil des années les champions anglais de la guerre de course. « Pour la première fois l’Atlantique était devenu le théâtre des luttes entre Européens.[lxxxvi]»
5. La première bataille navale atlantique entre Européens. L’invincible Armada de 1588
La guerre de course que mena l’Angleterre entre 1572 et 1585 contre l’Espagne ne constituait que les signes avant-coureurs d’un affrontement général entre l’Angleterre – elle défendait encore la liberté des mers et du commerce à cette époque – et l’Espagne catholique qui revendiquait sa place de puissance dominante dans le monde. Wulf Siewert revient là encore sur une de ses idées maîtresses : dès lors que l’Espagne avait freiné le développement de sa puissance navale et de la pensée maritime, elle ne pouvait garder le leadership mondial qu’elle détenait grâce à ses colonies. Et précisément plusieurs faits démontrent là encore que l’Espagne raisonnait exclusivement comme une puissance continentale. En particulier, il convient d’observer avec Wulf Siewert que l’Armada qui fut déployée en 1588 pour anéantir l’Angleterre était même composée de quelques galères venant de Méditerranée et qui n’étaient absolument pas adaptées aux conditions de navigation dans l’Atlantique. De même, Wulf Siewert souligne qu’une grande partie des équipages était originaire de Méditerranée, tandis que les Anglais disposaient de marins habitués aux rigueurs des mers nordiques et d’une artillerie largement supérieure. Notre auteur allemand note également que l’Amiral de la Flotte – Médina Sidonia – avait pour mission d’éviter si possible la bataille pour la maîtrise de la mer et de faire débarquer en Angleterre une armée embarquée dans les Flandres. Il s’agit là, insiste Wulf Siewert avec raison, d’une approche purement continentale d’une opération maritime. On peut dire à ce stade que pour l’Espagne la marine devait être au service de la guerre sur terre et constituait de la sorte un simple auxiliaire de l’armée de terre.
Grâce à une action offensive, Drake et Howard réussirent à endommager sérieusement l’invincible Armada à proximité des côtes de Flandres et, du même coup, la puissance mondiale de l’Espagne fut sérieusement mise à mal. Par ailleurs, « la défaite de l’Armada fut la première véritable bataille atlantique ! [lxxxvii]». Wulf Siewert attribue bien entendu la déroute à l’absence de politique maritime en Espagne.
6. L’achèvement de la période hispano-portugaise, expression de la Aufhebung[lxxxviii]hégelienne
Malgré la défaite qu’elle a essuyé, l’Espagne ne tira aucun enseignement pour le développement de sa marine de guerre. Toutefois, après avoir subi en 1598 le pillage des Canaries par les Hollandais et en 1607 la prise d’une escadre dans le Détroit de Gibraltar, « l’Espagne arma une puissante flotte de soixante neuf vaisseaux en 1639 sous le commandement de l’Amiral Oquendo qui avait pour mission d’attaquer les Pays-Bas par voie de mer [lxxxix]». Mais l’Amiral hollandais Marten Tromp, relate Wulf Siewert, poussa les Espagnols à proximité de Douvres vers les petits fonds et anéantit la plupart des navires. Cette fois-ci, ce fut une défaite cinglante pour l’Espagne, dont la marine ne se relèvera pas avant longtemps. « A partir de cette époque, relève Wulf Siewert, la marine espagnole abandonna toute idée d’affronter les Pays-Bas en haute mer. A compter de ce moment-là également la position de l’Espagne [comme puissance mondiale] était ébranlée [et] en tant que puissance maritime et commerciale elle était anéantie.[xc]» Et Wulf Siewert de conclure : « Elle [l’Espagne] n’avait pas compris les lois de l’Atlantique ; ce qui comptait ce n’était pas la puissance de l’armée de terre mais uniquement la puissance navale. Car seul un Etat disposant d’une flotte puissante peut espérer protéger ses routes maritimes transatlantiques.[xci]»
En définitive, il convient de retenir que l’Espagne, n’ayant pas su protéger son commerce transatlantique faute d’avoir su développer une marine suffisamment puissante et parce qu’elle avait toujours raisonné et réagi selon les schémas d’une puissance continentale, avait in fine perdu sa position mondiale. En même temps, son attitude de puissance continentale conduisit, selon un mode dialectique, à la disparition de la période hispano-portugaise et à l’apparition concomitante de la période hollandaise. Ce passage entre deux périodes correspond, à notre sens, à une véritable Aufhebung exprimée directement dans la catégorie hégélienne de la « négation de la négation ». Wulf Siewert considère en effet qu’entre 1492 et 1639 « les peuples ibériques ont réussi à repousser sensiblement les limites géographiques étroites du Moyen âge [et ont fait] entrer l’Atlantique dans l’histoire des peuples[xcii]» ; en même temps, ils ont promu au premier rang la lutte pour le contrôle des routes maritimes transatlantiques et du trafic maritime atlantique, afin de pouvoir bénéficier des richesses des colonies, ce qui entraîna leur éviction et permit l’avènement des peuples d’Europe du Nord en général et de la période hollandaise en particulier.
Chez Hegel, l’Histoire est un procès. Chez Wulf Siewert, on retrouve ce procès, et le sujet dans ce procès historique ce sont les peuples dont la domination correspond à un moment de développement de l’histoire de l’humanité. Sans vouloir rechercher en Wulf Siewert un hégélien parfait, on est cependant frappé par la similitude des époques décrites par le géopoliticien allemand avec les époques de l’Histoire définies par Hegel dans La raison dans l’Histoire[xciii].
SOUS-SECTION II – L’EPOQUE HOLLANDAISE
1. L’émergence d’une nouvelle conscience
Pendant de nombreuses décennies, les peuples d’Europe du Nord, en particulier les Anglais, ont recherché un passage maritime nord-ouest dans l’Atlantique Nord. Au milieu du 19ème siècle, on reconnut enfin, rappelle Wulf Siewert, qu’entre la Baie de Baffin et le Détroit de Béring il existait bien un passage maritime mais en même temps que cette route était en réalité impropre à la navigation. Cette longue recherche dans l’Atlantique Nord et l’océan Arctique eut un effet très bénéfique sur les peuples anglais et néerlandais : « La prise de conscience de leur propre force et de leur supériorité maritime.[xciv]» L’émergence de cette conscience les entraîna naturellement à s’attaquer au monopole commercial espagnol en même temps qu’au Pape qui avait partagé le Nouveau Monde entre l’Espagne et le Portugal. Alors que sur mer les navires espagnols se multipliaient, dans les cercles universitaires, souligne Wulf Siewert, un débat juridique fut lancé par le professeur hollandais de droit Hugo Grotius, grâce à son fameux Mare liberum déjà évoqué dans la première partie de cette étude.
Or à partir de l’idée que la mer appartient à tous et donc à personne en particulier, Hugo Grotius défend le principe de la liberté des mers et du commerce. Cette nouvelle orientation juridique ne pouvait, en réalité, que conduire à cette époque à une confrontation entre les Pays-Bas, devenus les héritiers de la Hanse et par conséquent aussi de véritables marins d’Europe et l’Espagne qui tenait entre ses mains depuis le 15ème siècle le monopole commercial entre l’Amérique et l’Europe.
2. Les Pays-Bas : une situation géographique favorable et une marine de commerce active et de qualité
Selon Wulf Siewert, les Pays-Bas réunissaient toutes les conditions pour s’engager dans la lutte contre les Espagnols.
D’abord, Wulf Siewert retient les facteurs géographiques : « Grâce à leur place au cœur du carrefour européen d’échanges entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, situés à l’embouchure du plus grand agent de communication d’entre les fleuves, le Rhin, ils sont assez rapidement devenus un lieu d’entreposage et un carrefour d’échanges commerciaux.[xcv]» Par ailleurs, la densité de leur population et l’arrière-pays constitué par la France et l’Allemagne permirent le soutien du commerce des Pays-Bas. A cet égard, Wulf Siewert observe que Bruges a appartenu à la Hanse et que jusqu’au début du 16ème siècle elle était la ville la plus commerçante d’Europe avant d’être supplantée dans ce rôle par Anvers. Les Pays-Bas possédaient également d’autres atouts.
En second lieu, Wulf Siewert observe que grâce au dynamisme de la pêche en Mer du Nord et en Manche, la navigation hollandaise devint peu à peu la meilleure des mers nordiques. Il précise également : « Tout le commerce de valeur de la Baltique passa aux mains des Hollandais et les navires hollandais servirent même à approvisionner l’Espagne.[xcvi]» Mais l’Espagne, forte de son monopole commercial dans l’Atlantique, essaya d’endiguer l’expansion du commerce hollandais provoquant en même temps une réaction sans égale de la part des Hollandais : la lutte pour le contrôle de l’Atlantique devint ainsi un enjeu majeur de cette époque.
3. La maîtrise de l’Atlantique comme condition nécessaire pour le contrôle du commerce vers les Indes orientales
Les Néerlandais bridés dans leur développement commercial par les Espagnols « décidèrent de chercher eux-mêmes la route des Indes orientales[xcvii]». A cet égard, Wulf Siewert cite Cornelius Houtman qui, en 1595, « mena le premier navire hollandais jusqu’aux Indes [xcviii]». Cette étape fut « le coup le plus fatal porté contre les puissances ibériques qui, peu à peu, perdirent au profit des Hollandais le commerce avec les Indes orientales [xcix]». Les Portugais furent ainsi évincés de l’Inde, des Moluques pour laisser place à des colons hollandais. « Les Pays-Bas, écrit Wulf Siewert, devinrent la première puissante maritime du 17ème siècle ; pour ce petit peuple un véritable exploit.[c]» Mais, souligne Wulf Siewert, le développement des colonies hollandaises ne put être réalisé que grâce à « la sécurisation de la navigation en Atlantique[ci]». On comprend donc ici que la base de la puissance coloniale hollandaise passait par la nécessaire maîtrise – même partielle – de l’Atlantique : celle-ci était une condition préalable (eine Voraussetzung) à l’édification de l’empire colonial hollandais. C’est en tout cas l’analyse de notre marin allemand. On peut en conclure, a contrario, que la perte du contrôle de l’Atlantique implique de facto la perte de tout empire colonial. L’exemple portugais et espagnol démontre la justesse de l’analyse de Wulf Siewert.
Dans ce processus d’expansion maritime et coloniale, le commerce et les marchands tenaient le premier rôle. Il convient de souligner à cet égard que si Wulf Siewert indique avec force et conviction que la maîtrise de la mer constitue un préalable indispensable à tout développement colonial, il ne remet cependant pas en cause l’idée de Mahan de l’antériorité du commerce et de la marine marchande par rapport à la marine de guerre et ses activités de protection et de sécurisation maritimes. Au contraire, Wulf Siewert pense tout comme Mahan que tout part du commerce : les colonies et les points d’appui outre-mer. Dans cet esprit, il affirme qu’en raison précisément de l’insécurité maritime de l’époque – on pourrait dire de l’absence de la maîtrise de la mer – « de grandes compagnies commerciales par actions se sont constituées qui, avec des bâtiments de commerce armés, ont formé des convois pour traverser la mer[cii]». Les compagnies mentionnées par Wulf Siewert sont la célèbre compagnie anglaise des Indes orientales créée en 1600 et la compagnie indo-néerlandaise qui avait un poids tel qu’elle représentait à l’étranger les intérêts de l’Etat néerlandais. Ces compagnies commerciales ont bien entendu grandement contribué à l’édification de l’empire colonial hollandais qui, il faut le rappeler, s’étendait bien au-delà du territoire indien.
4. Un vaste empire colonial édifié par les commerçants hollandais
En dehors des Indes orientales – Ostindien par opposition à Westindien que Wulf Siewert emploie pour désigner les Caraïbes – les Hollandais s’établirent sur les côtes atlantiques. En 1610, ils fondèrent dans la vallée de Hudson la Nouvelle-Hollande pour s’accaparer le commerce de la fourrure. Plus tard, en 1614, ils fondèrent la Nouvelle-Amsterdam, l’actuelle New York. Mais comme le précise Wulf Siewert, ils colonisèrent également de nombreuses îles des Caraïbes comme Curaçao en 1634 par exemple. On ne peut s’empêcher de noter, souligne Wulf Siewert, l’extraordinaire dynamisme de ces commerçants hollandais qui, en réalité, au nom de l’Etat prirent possession de nombreuses contrées participant de la sorte à l’extension de l’empire colonial des Pays-Bas.
La présence des Hollandais est également signalée sur les côtes d’Afrique. « Les colonies et comptoirs qui furent installés servirent en particulier pour le commerce d’esclaves noirs.[ciii]» Car il fallait alimenter les territoires d’Amérique centrale qui eux étaient dépourvus d’une main-d’œuvre nombreuse, dans la mesure où les Indiens, selon Wulf Siewert, étaient inaptes au travail. A côté de ce commerce d’hommes, notre spécialiste des affaires maritimes appelle l’attention du lecteur sur l’importance stratégique de la colonie du Cap créée en 1652 par Jan Van Riebek. Cette colonie permit en effet d’implanter sur le sol africain la culture hollandaise (das holländische Volkstum) et de disposer pendant de longues années, estime Wulf Siewert, d’une colonie d’un poids économique et politique important, même si la guerre des Boers obligea les Hollandais à abandonner leur pouvoir aux Anglais.
En tout état de cause, relève Wulf Siewert, « si l’on tient compte de la taille réduite du peuple hollandais, les Pays-Bas avaient pris un extraordinaire et étonnant essor qui les avait transformés en puissance ayant la maîtrise maritime sur l’Atlantique[civ]».
A l’aune des faits historiques, on peut dire que Wulf Siewert a raison de qualifier les Pays-Bas de puissance maritime car dans l’environnement de l’époque les forces navales et les navires marchands armés par les compagnies commerciales ainsi que les nombreuses colonies et points d’appui en Amérique, en Inde, en Afrique et en Insulinde représentaient un potentiel suffisamment important pour mériter ce qualificatif. Cependant, rappelons-nous que Wulf Siewert lui-même avait considéré dans son ouvrage Die britische Seemacht que la puissance maritime des Pays-Bas correspondait davantage à la Seegeltung qu’à la Seemacht comme définies dans la première partie de la présente étude ou, plus justement, que la Seegeltung des Pays-Bas dépassait leur Seemacht. On ne peut que souscrire à cette analyse.
Par réaction au succès hollandais et à l’image du processus dialectique qui balaya les Espagnols de l’Atlantique et conduisit à l’avènement des Hollandais sur cet océan, les Pays-Bas suscitèrent des jalousies (Neid), notamment en Angleterre. Celles-ci entraînèrent à leur tour des guerres qui, sur le mode dialectique, eurent pour conséquence la disparition des Hollandais de l’Atlantique et l’apparition en force des Anglais.
5. L’antagonisme anglo-hollandais
5.1 Les attaques anglaises
Le premier coup porté aux Hollandais le fut par l’acte de navigation d’Olivier Cromwell de 1651. « Selon cette loi, les marchandises provenant d’outre mer ne pouvaient être importées en Angleterre que sur des navires anglais et les marchandises en provenance d’Europe que sur des navires anglais ou des navires des pays d’où étaient issues les marchandises.[cv]» Cette mesure, insiste Wulf Siewert, allait toucher mortellement le commerce maritime hollandais. En réalité, cette opposition conduisit aux trois guerres navales anglo-hollandaises de 1652 – 1654, 1665 – 1668 et 1672 – 1674. On soulignera ici que par une sorte de répétition de l’Histoire – Hegel ne dit-il pas quelque part que l’Histoire se répète deux fois ![cvi] – les Hollandais qui avaient réussi à briser le monopole espagnol sur les routes maritimes de l’Atlantique essayèrent, à leur tour, d’écarter de leur commerce florissant et de leurs colonies tous les concurrents.
Ces guerres étaient, en réalité, des luttes pour le contrôle du commerce. Wulf Siewert écrit à cet égard : « Le commerce renferme le principe et la recherche de l’expansion et la suprématie exclusive. Les puissances maritimes ont toujours recherché à toutes les époques la domination exclusive.[cvii]» Ceci autorise Wulf Siewert à affirmer que les guerres navales anglo-hollandaises étaient des batailles dont l’enjeu était les routes maritimes commerciales et les convois maritimes qui les empruntaient. Ainsi, Wulf Siewert nous indique que la guerre sur mer a pour origine exclusive le commerce. Là encore, l’analyse de notre auteur allemand rejoint l’approche de Mahan pour lequel le mercantilisme, qui s’exprime à travers le commerce maritime et la marine marchande, appelle la création d’une marine de guerre aux fins de domination sur mer pour justement protéger ce commerce maritime. C’est pour ces raisons que la Manche devint le théâtre de batailles dont l’enjeu était les convois maritimes rentrant d’outre mer. L’Angleterre, par exemple, a infligé de nombreuses pertes aux Pays-Bas durant la première guerre navale (1652-1654) : 1700 prises pour une valeur de 120 millions de Livres Sterling contre seulement 400 navires pris par les Hollandais, rapporte Wulf Siewert. « De cette époque date l’expression, qui était devenue en Angleterre un véritable concept d’Etat, jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale la rende obsolète : la guerre navale nourrit.[cviii]»
5.2 La vaine résistance hollandaise face aux Anglo-français
Les Hollandais résistèrent aux Anglais. Wulf Siewert cite à cet égard l’Amiral Michael de Ruyter (1607 – 1676) qui sauva par deux fois son pays de la disparition. Il réussit, malgré l’infériorité en nombre et en taille de ses navires, à battre les Anglais au cours de la fameuse bataille des Quatre jours dans la Manche du 11 au 14 juin 1666. L’Amiral est même parvenu à détruire les installations de constructions navales de Chatham et de Sheerness. « Cependant, ce front uni des Anglais et des Français, souligne Wulf Siewert, dépassa les forces de ce petit peuple[cix]» et ceci en dépit de la victoire que l’Amiral de Ruyter remporta à Texel en 1673 contre la flotte anglo-française. A l’issue de cette bataille, les Pays-Bas étaient, selon Wulf Siewert, épuisés. Ainsi, par la paix de Westminster de février 1674 entre l’Angleterre et la Hollande, « la prééminence sur mer de l’Angleterre fut pour la première fois reconnue expressément[cx]». Les Pays-Bas se virent obliger à renoncer aux colonies telles que New York et à tous les droits commerciaux en Inde. En outre, rappelle Wulf Siewert, l’Angleterre imposa l’obligation préalable de salut au pavillon anglais et le droit de visite de tous les bâtiments étrangers dans les fours seas, c’est-à-dire en Mer du Nord, Manche, Mer d’Irlande et dans le Golfe de Gascogne.
5.3 L’erreur des Hollandais
De cette époque hollandaise, Wulf Siewert tire des conclusions identiques à celles qu’il a déduites de la période hispano-portugaise. Il considère en effet que les Hollandais ont été balayés car « par un souci funeste d’économie, on laissa dépérir en temps de paix la marine de guerre que l’on n’est pas parvenu à remettre assez vite au meilleur niveau quand la guerre éclata[cxi]». Les riches commerçants, souligne Wulf Siewert, qui étaient à la tête du pays se sont trompés sur les objectifs supérieurs et au lieu d’agir ont négocié. La suite, Wulf Siewert la rappelle : « Le résultat fut la perte de la suprématie sur l’Atlantique et dans le commerce mondial.[cxii]» En d’autres termes, Wulf Siewert indique que faute d’avoir su garder et développer une marine de guerre puissante, les Pays-Bas ont perdu la maîtrise de l’Atlantique et, par suite, leur statut de puissance mondiale. Les Hollandais ne purent maintenir leurs colonies que dans certaines zones de l’océan Indien et des Caraïbes. « Le commerce hollandais passa à partir de ce moment-là de plus en plus aux mains des Anglais ; ce que les Pays-Bas conservèrent, était la Seegeltung et pas la Seemacht.[cxiii]»
En définitive, on peut retenir que la période hollandaise s’achève par l’avènement de la période franco-anglaise, période incarnant un nouveau moment de l’Histoire tel que Hegel l’entend. Les contradictions inhérentes à la période hollandaise, l’abandon de la marine de guerre, les envies suscitées par le commerce maritime avec les colonies en particulier – ont, par un mouvement dialectique, conduit à l’émergence de la période franco-anglaise. Mais ce changement d’époque ne signifie pas pour autant la disparition complète des avancées et acquis des périodes précédentes. La Aufhebung hégélienne, qui a assurément inspiré Wulf Siewert, signifie que le passé est conservé mais à un niveau plus élaboré et donc à un stade d’évolution supérieur. La nouvelle période qui s’ouvre après la période hollandaise en fournit une preuve éclatante.
SOUS-SECTION III – L’EPOQUE FRANCO-BRITANNIQUE
Le plus grand combat que l’Atlantique ait connu est sans conteste, selon Wulf Siewert, la lutte entre l’Angleterre et la France. Car l’enjeu de ce combat sans merci était l’Atlantique et son appartenance à la France ou à l’Angleterre et par delà cette question de celle de l’Amérique du Nord. Wulf Siewert écrit à ce titre : « Le combat long d’un siècle et demi devait décider si l’Atlantique allait devenir une mer romaine ou une mer germanique, si l’Amérique du Nord allait devenir française ou anglaise.[cxiv]» Les deux puissances se lancèrent dans cette bataille pour des raisons différentes et disposaient pour ce faire d’atouts propres.
1. La France : des atouts inexploités
Wulf Siewert considère en premier lieu que « la position géographique de la France confère à ce pays trois grandes possibilités politiques : elle peut utiliser sa façade atlantique pour mener une politique océanique, sa façade méditerranéenne pour une politique méditerranéenne et enfin sa position continentale pour conduire une politique continentale européenne[cxv]».
Au cours de son histoire, la France a tour à tour mis en œuvre ces trois atouts, mais « sur le long terme sa politique continentale l’a toujours emportée sur sa politique océanique [cxvi]». Car selon Wulf Siewert, la France, géographiquement, est trop liée au continent européen pour qu’elle renonce à conduire une grande politique européenne et en même temps sa position plus que favorable par rapport à l’Atlantique l’empêche de renoncer, là aussi, à déployer une action en direction de l’océan. Notre auteur relève d’autres raisons qui font que la France a toujours penché vers l’Europe au détriment de l’Atlantique. En particulier, depuis toujours la politique européenne était en France plus populaire que les actions maritimes lointaines. Ces dernières, insiste Wulf Siewert, n’étaient soutenues que par les populations de Bretagne et de Normandie. C’est à partir de ces régions, en effet, que furent lancées les entreprises coloniales à travers l’Atlantique en direction du Canada et aussi du Brésil dont les Huguenots voulurent prendre possession en 1555 sous la direction de l’Amiral Coligny. Mais Wulf Siewert rappelle surtout le rôle des « commerçants normands de Dieppe et de Saint-Malo qui entretenaient un commerce de fourrures lucratif au Canada ce qui fit d’eux les premiers colonisateurs français [cxvii]». Mais la rigueur de l’hiver canadien était telle que les Français furent dissuader de s’y implanter durablement. C’est seulement Champlain en 1603 qui brisa l’idée selon laquelle le Canada était inhabitable. En effet, en 1604 la première colonie permanente fut installée dans la Baie de Fundy, à Port Royal, quatre ans plus tard ce fut Québec grâce auquel le Saint-Laurent fut conquis.
Malgré ces entreprises par delà l’océan, notre analyste allemand insiste sur le caractère rétif des français à toute action maritime et coloniale quand il écrit : « Le Français n’aimait pas franchir la mer. [cxviii]» Pour appuyer son assertion, il cite le faible nombre de lieux de commerce de fourrures ainsi que le nombre réduit de colons. A titre d’exemple, il souligne qu’en 1642 la plupart des colonies françaises comptaient moins de 200 habitants alors que les colonies de Nouvelle-Angleterre dépassaient les 24 000 âmes.
A travers sa démonstration, Wulf Siewert tente de convaincre son lecteur que la France, depuis toujours, regarde davantage vers les terres européennes que vers l’océan. Son analyse est juste bien sûr et reprend l’analyse de Castex et de bien d’autres. C’est précisément en cela que la France se distingue de l’Angleterre.
2. L’Angleterre : une politique dictée par la géographie
Le grand atout de l’Angleterre est son insularité. Et cette particularité géographique, selon Wulf Siewert, a évité à l’Angleterre de faire des choix, de balancer entre la mer et le continent. « Comme pure puissance insulaire, écrit Wulf Siewert, déchargée des conflits continentaux, elle n’avait pas à choisir comme la France.[cxix]» Autrement dit : l’Angleterre était obligée de se tourner vers la mer. C’est ce qu’elle fit à partir du règne d’Elisabeth et également à travers l’Acte de navigation de Cromwell promulgué en 1659. La politique menée par l’Angleterre visait à préparer le peuple anglais à se lancer dans des entreprises coloniales outre mer. Wulf Siewert considère que « le goût naturel du voyage des Anglais fut renforcée par les guerres de religion du 17ème siècle en Angleterre si bien qu’un flot permanent d’émigrants traversa l’Atlantique pour s’installer sur les côtes américaines [cxx]». Les Anglais furent aidés en cela par la découverte par Gosnold d’une route maritime directe vers l’Amérique du Nord qui supplanta la route via les Açores et les Caraïbes. Les colonies anglaises, souligne Wulf Siewert, se développèrent sur le continent américain au 17ème siècle. Ce mouvement d’émigration entraîna dans sa suite l’installation de compagnies commerciales. A titre d’exemple, Wulf Siewert indique que « la compagnie de Londres et de Plymouth obtint en 1606 une partie de la côte d’Amérique du Nord entre les latitudes 34° et 41° Nord [cxxi]». D’autres compagnies furent attributaires de territoires selon des calculs mathématiques. A côté de ces territoires se développèrent également des colonies de peuplement.
On constate par conséquent que la France et l’Angleterre ont suivi des politiques divergentes à l’égard de l’Atlantique : l’une, celle de l’Angleterre, active et expansionniste en direction de l’Amérique du Nord, l’autre plus restrictive et moins ambitieuse à l’égard de la colonisation du continent nord-américain. Cependant, la présence d’Anglais et de Français sur un même territoire ont conduit in fine à un affrontement entre la France et l’Angleterre.
3. L’opposition entre la France et l’Angleterre
Les pommes de discorde entre Anglais et Français étaient nombreuses sur le territoire nord-américain. Les principales oppositions résultaient de la pêche au large des côtes de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve et du commerce de fourrures.
Ces luttes entraînèrent naturellement des conflits territoriaux, comme celui à propos de l’Acadie dont les Anglais revendiquèrent dès 1614 les côtes, réputées très poissonneuses. Wulf Siewert relate également le combat pour l’arrière-pays de la Baie de Hudson qui était très précieux pour le commerce de fourrures. La compagnie de la Baie de Hudson a joué un rôle éminent dans cette lutte.
A côté de la pêche maritime, du commerce de fourrures ainsi que des espaces qui lui sont associés, Wulf Siewert relève un autre point d’achoppement : la lutte pour la possession des îles Caraïbes. « Ces îles, souligne notre auteur allemand, prirent depuis la mise en place des plantations à l’aide des esclaves noirs un tel essor qu’elles devinrent la palme la plus précieuse de l’époque.[cxxii]» La culture de la canne à sucre et du tabac en effet était à la base de leur valeur économique croissante. Il convient de rajouter, selon l’analyse de Wulf Siewert, que la contrebande lancée depuis ces îles avec les colonies espagnoles dépassait largement le commerce légal espagnol.
Ces oppositions menèrent en définitive à la guerre entre l’Angleterre et la France. Les voies et moyens pour remporter la victoire divergeaient cependant fondamentalement.
4. Les voies et moyens pour parvenir à la victoire
4.1 La France : l’armée avant tout
En France, on s’en remit, relève Wulf Siewert, à son armée prestigieuse qui, à cette époque, occupait la première place en Europe. Ce faisant, « on oublia que les colonies outre mer ne pouvaient être conservées qu’à la condition d’être soutenues et approvisionnées en vivres en permanence depuis la métropole [cxxiii]». Notre marin pose là un problème tout à fait vital et toujours d’actualité : le soutien logistique. Mais il va plus loin encore. Il estime que ce soutien logistique, nécessaire à la conservation des colonies outre mer, « suppose qu’en temps de guerre l’on puisse les atteindre en toute sécurité en empruntant les routes maritimes [cxxiv]». Il poursuit : « La route à travers l’Atlantique devait donc être sécurisé par la maîtrise de la mer. Puissance maritime signifie la protection de ses propres voies de communication maritimes et l’interdiction faite à l’ennemi d’utiliser ses propres voies maritimes à des fins guerrières.[cxxv]» Wulf Siewert s’inscrit là dans la doctrine classique de la puissance maritime et de la maîtrise de la mer telle qu’elle a été développée au chapitre premier de la présente étude. Et précisément, il pense que dans la mesure où règne dans l’Atlantique la loi de la pure suprématie maritime – ou de la pure maîtrise des mers – (das Gesetz der reinen Seeherrschaft[cxxvi]), la France de facto ne peut y jouer le premier rôle faute d’être une véritable puissance maritime. Cela amène Wulf Siewert à conclure in fine : « Cela les Français ne l’ont pas compris ; leurs défaites coloniales en Amérique et en Inde ( car la route vers l’Inde passait à cette époque également par l’Atlantique) étaient à mettre principalement sur le compte de l’indigence de leur politique de puissance maritime.[cxxvii]» L’analyse de Wulf Siewert est là encore pertinente. Il semble même regretter que la France n’ait pas su se maintenir dans le camp des puissances maritimes, alors qu’elle avait construit grâce à Colbert – on reviendra sur cet point historique plus loin – une marine de guerre, des arsenaux et des chantiers navals. Il en fut tout autrement en Angleterre.
4.2 L’Angleterre : la maîtrise de l’Atlantique avant tout
Contrairement à la France, l’Angleterre se développa de plus en plus en Etat commerçant qui savait estimer à sa juste valeur les relations avec l’outre mer. Wulf Siewert souligne qu’au 17ème siècle furent constitués en Angleterre les fondements relatifs à la puissance maritime et au commerce maritime. Il cite à cet effet une phrase de Sir Walter Raleigh : « Celui qui domine la mer domine le commerce, celui qui domine le commerce mondial contrôle les richesses mondiales et en conséquence le monde entier.[cxxviii]» Selon Wulf Siewert, les Anglais ont fait du contrôle du commerce mondial la priorité de leur politique. Et ce contrôle du commerce mondial passait nécessairement par la maîtrise de l’Atlantique, car « toutes les routes maritimes en direction de l’ouest comme vers l’est traversaient l’Atlantique[cxxix]».
L’on voit par conséquent que notre analyste allemand, comme déjà relevé à plusieurs reprises dans notre étude, s’inscrit complètement dans la vision mercantiliste de Mahan. Et l’Atlantique lui permet de démontrer la pertinence de ses analyses relatives à la puissance maritime et la maîtrise des mers qu’il a explicitées dans son ouvrage Die britische Seemacht publié en 1939. Ici, il s’attache à étayer sa thèse en procédant à une analyse historique de la confrontation franco-britannique.
5. La confrontation franco-britannique à travers l’Histoire
5.1 Forces et faiblesses de la France et de sa marine, de Colbert à Choiseul-Preslin
Les atouts de la France dans le domaine maritime étaient réels, estime Wulf Siewert. En effet, grâce à Colbert (1619-1683) poursuivant l’œuvre de Richelieu, la France fut dotée d’une véritable marine de guerre. C’est lui, écrit Wulf Siewert, qui « devint le véritable père fondateur de la marine de guerre[cxxx]». Outre la création d’arsenaux et de chantiers navals, comme déjà rappelé, Colbert a introduit « le service militaire obligatoire (…) pour les gens de mer [cxxxi]», c’est-à-dire le système de l’inscription maritime. De plus, insiste notre auteur, il transforma une partie de la noblesse en un corps d’officiers valeureux. Bref, il réussit à donner à la France, grâce à sa grande marine qui comptait à la fin de sa vie 96 navires de ligne et 42 frégates, un potentiel de puissance mondiale. Malheureusement, déplore Wulf Siewert, la politique de Louis XIV s’orienta vers le Rhin et non vers l’Atlantique.
Le premier succès de la marine française fut la destruction de la flotte anglo-hollandaise à proximité de Beachy Head à l’est de l’île de Wight en Juillet 1690. La flotte française était commandée alors par Tourville. Mais la France ne tira aucun avantage, selon Wulf Siewert, de cette victoire car elle n’entendait rien aux affaires maritimes. C’est ainsi que le même Tourville essuya une défaite cuisante en 1692 à la Hougue, à l’est de la presqu’île du Cotentin, défaite qui constitua un « tournant de la guerre sur mer[cxxxii]». Wulf Siewert souligne en effet que cette déroute marqua le point de départ d’un changement profond de l’esprit offensif de la marine et « le gouvernement ainsi que le peuple n’eurent plus confiance en la Marine[cxxxiii]». On commença à économiser les forces et au lieu de mener des actions offensives pour remporter la victoire, on privilégia les manœuvres subtiles. Et Wulf Siewert d’en déduire : « A cette tendance funeste à la conduite de la guerre navale défensive, la marine est restée fidèle jusqu’à ce jour, et elle est la profonde cause de son déclin.[cxxxiv] » Bien entendu, entre 1691 et 1697, des marins tels que Jean Bart, Duguay-Trouin et Forbin ont porté, selon Wulf Siewert, de durs coups à l’ennemi en faisant en particulier 4000 prises.
La guerre de succession d’Espagne entre 1702 et 1713 se termina également par la défaite de la France. Car aussi bien la Hollande que l’Angleterre voyaient d’un mauvais œil que la France s’accapare une partie des Pays-Bas et les possessions coloniales espagnoles dont on tirait d’énormes richesses. Selon Wulf Siewert, « ce furent par conséquent des considérations liées à l’outre-mer qui poussèrent les deux puissances maritimes à lutter contre la succession française en Espagne[cxxxv]». Et notre analyste allemand, une nouvelle fois, note qu’il existe un lien étroit entre la politique européenne et la politique atlantique. Il relève aussi que durant cette guerre, la puissance maritime a joué un rôle considérable. En effet, même si les batailles navales ne furent pas nombreuses, « la pression silencieuse permanente et efficace des armes indirectes de la guerre sur mer, c’est-à-dire de la guerre au commerce, a paralysé la France si sérieusement qu’elle fut contrainte à la paix[cxxxvi]». La paix d’Utrecht en avril 1713, relève Wulf Siewert, obligea la France à accepter les conditions anglaises : abandon non seulement des possessions italiennes et néerlandaises mais également cession des riches colonies côtières nord-américaines, en particulier l’Acadie, Terre-Neuve ainsi que la Baie d’Hudson. On peut donc dire que la Paix d’Utrecht, selon Wulf Siewert, montre à l’envi que l’échec de la marine française entraîna la perte de précieux territoires. Et il revient à une de ses idées maîtresses : la France ayant négligé sa marine ne pouvait dominer l’Atlantique et du coup était incapable de conserver ses colonies outre-mer ! En d’autres termes, la lutte pour l’atlantique était essentielle et la France avait perdu de vue cette idée, selon lui, après la disparition de Colbert.
Cependant, la lutte pour l’Atlantique et les possessions outre mer entre l’Angleterre et la France se poursuivit encore pendant une centaine d’années. Car dans les colonies nord-américaines des conflits opposèrent l’Angleterre, la France et l’Espagne. Le vainqueur, souligne Wulf Siewert, ne pouvait être que celui qui serait en mesure de fournir le soutien en hommes et en matériels. La victoire par conséquent était « une question de navigation et de maîtrise de la mer sur l’Atlantique[cxxxvii]». De plus, les colonies françaises nord-américaines, qui s’étendaient des côtes canadiennes aux Grands lacs et jusqu’au Golfe du Mexique, étaient peu peuplées ce qui ne pouvaient que les fragiliser face aux colonies anglaises très peuplées. Même si la lutte franco-anglaise en Amérique du Nord fut d’importance, la grande césure se situe dans l’issue de la guerre de Sept ans.
« La grande décision tomba durant la guerre de Sept ans (1756-1763), écrit Wulf Siewert, au cours de laquelle Français et Anglais se livrèrent bataille sur presque tous les océans et continents pour la domination du monde.[cxxxviii]» Mais une autre puissance y joua un rôle non négligeable : la Prusse. Aux côtés de l’Angleterre, elle a en effet fixé les forces françaises en Europe ce qui permet à Wulf Siewert de conclure, en reprenant une phrase du politicien anglais Pitt :« L’Amérique fut conquise en Allemagne.[cxxxix]» En réalité, notre auteur allemand veut montrer qu’il existe un lien fort entre la guerre sur mer et la guerre sur terre dans ce contexte particulier. La guerre navale influe sur la guerre terrestre et vice versa. Et ce qui est au cœur du combat, c’est le contrôle des routes maritimes atlantiques, estime-t-il, puisque les Anglais essayèrent d’interrompre le transport maritime entre la France et le Canada. A ce titre, il relève que l’Amiral Hawke, dans le Golfe de Gascogne, mena une guerre au commerce efficace au cours de laquelle 6000 marins furent faits prisonniers. Wulf Siewert donne de nombreux détails sur cette guerre de Sept ans. Mais l’idée qu’il essaie de faire partager au lecteur est toujours la même s’agissant de la France : ce pays n’entendait rien aux affaires de la mer. Il cite à cet égard également Choiseul qui envisagea d’envahir l’Angleterre « avant d’avoir auparavant acquis la maîtrise de la mer dans les eaux de l’Atlantique Est [cxl]». La flotte française fut en définitive détruite en 1759 non loin de Quiberon. Pour Wulf Siewert, cette défaite navale a une véritable portée historique. Elle marque en premier lieu le point de départ de la suprématie navale de l’Angleterre dans l’Atlantique – l’Atlantique était devenu une mer anglo-saxonne – en même temps qu’elle scelle la disparition de la France de l’Atlantique. En second lieu, Quiberon permit aux Anglais d’interrompre les liens entre les possessions françaises outre atlantiques et la métropole ce qui entraîna la perte du Canada et de nombreux territoires dans les Caraïbes. Enfin, Wulf Siewert indique que la défaite de Quiberon eut une portée historique mondiale : à travers elle, « la stratégie de guerre navale anglo-saxonne – de grande ampleur et large – a réglé le sort de l’Atlantique en même temps que celui de l’Amérique face à la conception française plus étroite qui ne voyait dans la mer qu’un théâtre de guerre secondaire[cxli]».
5.2 Les bons choix de l’Angleterre et de sa marine, de Guillaume III d’Orange jusqu’à la coalition anti-anglaise de 1778
Alors que la France multipliait les erreurs dans sa politique navale, l’Angleterre de Guillaume III d’Orange s’assura du maintien d’un équilibre entre les puissances européennes sur le contient pour mieux dominer l’Atlantique, relate fort à propos Wulf Siewert. Il convient d’observer à cet égard que tandis que la France, durant cette période, s’éloigna de l’Atlantique, l’Angleterre au contraire s’y étendit de plus en plus. Ce pays sut aussi y mettre en œuvre des stratégies navales efficaces.
Comme déjà rappelé précédemment, la pression silencieuse des armes indirectes de la guerre sur mer, c’est-à-dire la guerre au commerce, a permis à l’Angleterre, selon Wulf Siewert, de paralyser si fortement la France qu’elle fut contrainte à la paix durant la guerre de succession d’Espagne (1702-1713) et la guerre de Sept ans (1756-1763). Mais l’Angleterre tira partie également des nouveaux points d’appui qu’elle avait conquis grâce à sa suprématie navale. Il s’agit, note Wulf Siewert, principalement de Gibraltar conquis en 1704 par le Prince Georg von Hessen Darmstadt et l’Amiral Rooke. Cette conquête fut d’une importance capitale. « Avec Gibraltar l’Angleterre prit possession de l’accès à la Méditerranée. Elle pouvait, à partir de ce point, isoler cette mer et interdire la jonction des flottes françaises voire espagnoles de l’Atlantique et de la Méditerranée. Gibraltar a un rôle double inestimable : il sert aussi bien comme point d’appui pour les opérations en Méditerranée que pour opérer en Atlantique.[cxlii] » Gibraltar fut utilisé par l’Angleterre, rappelle Wulf Siewert, au cours de la guerre de Sept ans conduite par les Anglais et les Prussiens contre la France, pour fermer le Détroit précisément.
Globalement, rappelle Wulf Siewert, le plan mis en œuvre par les Anglais – et accessoirement les Prussiens – tout au long de cette période précédant la formation de la coalition rassemblant Américains, Français, Espagnols et Hollandais peut se décliner comme suit : « Soutien des colonies en Amérique, blocus des ports atlantiques français et fermeture de la route de Gibraltar, diversions au large des côtes françaises pour fixer une partie des troupes françaises et pour soulager ainsi la guerre terrestre, conquête des colonies françaises dans les Caraïbes, en Afrique et en Inde.[cxliii]» Ce plan d’ensemble fut couronné de succès jusqu’à la formation d’une coalition anti-britannique.
5.3 Une coalition contre l’Angleterre à partir de 1778 : une lutte avec des erreurs stratégiques
La France se reprit plus tard sous la conduite du ministre de la marine Choiseul-Preslin. Soixante bâtiments de ligne furent construits. La France était donc à nouveau prête, selon Wulf Siewert, à affronter l’Angleterre. La guerre d’Indépendance des Treize colonies américaines a fourni à la France l’occasion de livrer bataille à l’Angleterre. Dès 1778, la France s’allia aux Américains contre l’Angleterre, tout comme la Hollande et l’Espagne. « Pour la première fois, l’Angleterre avait en face d’elle une coalition de puissances maritimes sans avoir des alliés sur le continent. L’Angleterre était donc isolée ! [cxliv]» C’était la première crise réelle de l’Angleterre, et la France de son côté avait la chance, pour une fois, de bousculer la position mondiale de l’Angleterre. Mais quelle technique les protagonistes devaient-ils mettre pour remporter la victoire, se demande justement Wulf Siewert. Sa réponse est claire et sans surprise : « Il s’agissait pour les deux parties de protéger les routes maritimes transatlantique vers le théâtre américain et d’interrompre celles de l’adversaire.[cxlv]» Ici se trouve exprimé de nouveau le concept de la maîtrise de la mer avec son aspect offensif et défensif tel que Wulf Siewert l’entend, reprenant de la sorte à son compte la théorie classique de Mahan, comme indiquée dans la première partie de la présente étude. Cependant, il note nombre d’erreurs stratégiques dans ce combat.
La flotte anglaise se répartit à travers plusieurs mers, observe Wulf Siewert, et se trouva donc quelquefois dans les eaux européennes face à une flotte franco-espagnole supérieure. De son côté, la France mit en œuvre, comme à l’accoutumée, une stratégie défensive. Les Espagnols quant à eux disposaient d’équipages médiocres. Même s’il y eut des combats dans l’océan Indien et en Méditerranée, « les combats principaux se déroulèrent sur les côtes orientales d’Amérique du Nord et dans les eaux des Caraïbes correspondant au principal théâtre de guerre, parce que c’était là que les possessions anglaises devaient être conquises [cxlvi]». L’Atlantique Ouest se trouvait ainsi placé au cœur de l’histoire. Durant ces combats navals, observe notre historien de la mer, qui se déroulèrent en partie au Nord et en partie au Sud, plusieurs figures émergèrent : du côté français, les amiraux Guichen et de Grasse et du côté anglais Rodrey et Hood. Selon Wulf Siewert, l’instruction reçue par Guichen était la suivante : « Acquérir la maîtrise de la mer sans engager ses propres forces.[cxlvii]» Pour Wulf Siewert, il s’agit là d’une grossière erreur, erreur qu’il a déjà pointée du doigt à plusieurs reprises. Il l’illustre en rappelant l’histoire de l’Atlantique : « C’est une contradiction en soi, qui nous rappelle les ordres malheureux de la Première Guerre mondiale[cxlviii]. » Wulf Siewert fait sans aucun doute allusion aux erreurs de son propre pays au cours du premier conflit mondial. En effet, l’on se souvient qu’après la bataille du Jutland, la flotte allemande resta tapie au fond des fjords norvégiens et n’engagea plus l’adversaire.
En définitive cependant, l’Angleterre a perdu la maîtrise de la mer et du même coup ses colonies nord-américaines, rappelle Wulf Siewert
5.4 La défaillance anglaise et la guerre d’Indépendance américaine à partir de 1781
Les Anglais durent céder la Baie de Chesapeake au cours d’une bataille opposant le Français de Grasse à l’Anglais Graves le 5 septembre 1781. Mais cette bataille eut une conséquence immédiate, selon Wulf Siewert : les Anglais de Virginie ne furent plus approvisionnés par voie maritime, si bien qu’à Yorktown ils durent capituler le 19 octobre 1781. Dans ces conditions, pour l’historien allemand, on peut affirmer que « la bataille près de Cap Henry a déterminé à titre principal l’issue de la guerre d’Indépendance américaine[cxlix]». Autrement dit, Wulf Siewert lie la défaite terrestre à la défaite navale ; il met ainsi une nouvelle fois en évidence l’interdépendance de la guerre sur mer et de la guerre sur terre, du théâtre maritime et du théâtre terrestre. L’Angleterre reconnut l’indépendance des Etats-Unis car Londres était las de la guerre, estime Wulf Siewert. Son analyse cependant va plus loin : « La cause [de cette perte des Treize colonies] est liée à l’affaiblissement passager de la position britannique sur Atlantique, faiblesse qui ne permit pas de soutenir suffisamment les troupes combattantes sur le sol américain[cl]. »
La maîtrise de l’Atlantique détermine donc selon notre auteur la place d’un Etat dans le monde. C’est cette idée, rappelons-le, qui a motivé Wulf Siewert à se lancer dans l’analyse géopolitique, géostratégique et aussi historique de l’Atlantique, imitant en cela son maître Karl Haushofer dont l’analyse relative au Pacifique l’avait impressionné.
Les Anglais reprirent peu à peu le dessus sur mer et une forte position dans l’Atlantique tandis que la France était accaparée de plus en plus par des troubles qui allaient déclencher la Révolution.
Wulf Siewert perçoit enfin dans ces années l’émergence d’un élément nouveau qui changea le cours de l’histoire mondiale : « L’apparition outre atlantique d’un nouvel Etat qui atteignit peu à peu une grandeur et une puissance qui influença profondément la politique atlantique et au-delà la politique mondiale.[cli]»
5.5 La dernière lutte franco-anglaise pour le contrôle de l’Atlantique
5.5.1 La crise révolutionnaire française
Alors que les Etats-Unis s’émancipaient de la tutelle du parlement de Westminster et renforçaient leur cohésion interne, la France, observe notre analyste, plongeait dans la crise révolutionnaire. Wulf Siewert relève ainsi plusieurs affaiblissements perceptibles du côté français : « La Révolution avait politisé la flotte et enterré complètement sa morale.[clii]» En outre, il note que sa capacité opérationnelle (die Leistungsfähigkeit) était complètement mise à mal. La France apprit à ses dépens qu’ « il était plus facile de construire une armée qu’une flotte qui ne peut être conduite sans officiers de marine et marins expérimentés[cliii]». Ces lacunes entraînèrent la défaite de la flotte française le 1er juin 1794 au large de Brest qui elle-même permit la mise en place d’un blocus au large des côtes atlantiques françaises, si bien que le commerce maritime français fut bloqué à nouveau. Et Wulf Siewert de conclure : « L’Atlantique appartenait [-il conviendrait de dire de nouveau-] aux Anglais.[cliv]» Car ce blocus interdit toute construction navale dépendant naturellement des importations de bois et de cordages par voie maritime. Selon Wulf Siewert, il ne pouvait plus être, dans ces conditions, question d’une quelconque reconstruction de la flotte française. La période napoléonienne tenta cependant de corriger cette orientation, estime-t-il.
5.5.2 L’erreur de Napoléon : l’oubli de la maîtrise de la mer
Pour dominer l’Europe entière, Napoléon était convaincu qu’il lui fallait conquérir l’Angleterre, ennemi héréditaire de la France à ses yeux. L’interprétation de Wulf Siewert ne souffre ici bien entendu d’aucune discussion. Selon notre auteur, Napoléon « tenta à plusieurs reprises d’atteindre son objectif [de vaincre l’Angleterre] non par l’acquisition de la maîtrise de la mer mais par son contournement[clv]». C’était là une erreur – ancienne – de la France. Après Aboukir, en effet, souligne Wulf Siewert, Napoléon opta pour l’invasion directe de l’Angleterre. « En soi une telle option n’est envisageable qu’après l’acquisition de la maîtrise de la mer dans les espaces maritimes environnants ; car la mer, poursuit Wulf Siewert, est la base d’opérations pour les troupes débarquées. Il s’agit d’entretenir entre la patrie et l’armée débarquée un lien permanent.[clvi]» Mais Napoléon voulut, selon Wulf Siewert, utiliser une autre technique, à savoir débarquer les troupes en Angleterre en attirant la flotte anglaise hors de la Manche. Dans cette manœuvre, l’Atlantique joua un rôle important aux yeux de Wulf Siewert.
Les escadres britanniques, en effet, croisaient au large de Brest et de Rochefort pour maintenir un blocus rigoureux de la France. Cette mission, très exigeante pour les équipages permit aux marins anglais de s’améliorer jour après jour alors que de l’autre côté, observe Wulf Siewert, « les équipages et bâtiments français dépérissaient dans leurs ports à la suite de l’inactivité forcée[clvii]». Notre historien de la mer revient ici sur une idée qu’il a déjà développée dans son ouvrage Die britische Seemacht et que nous avons analysé dans la première partie de la présente étude : une flotte ne peut être pleinement opérationnelle qu’à la condition de s’entraîner. C’est une analyse de bon sens que Wulf Siewert rappelle ici. Mais l’essentiel de son message est ailleurs. Il s’agit pour lui de livrer au lecteur l’analyse de la stratégie de Napoléon. Le plan de Napoléon consistait à faire appareiller clandestinement les trois escadres françaises, celles de Toulon, Brest et Rochefort, afin qu’elles puissent ensuite se rencontrer dans les Caraïbes. Une fois regroupées, ces escadres devaient, selon Wulf Siewert, rejoindre la Manche et protéger le transport des troupes vers l’Angleterre. Villeneuve a certes réussi à parvenir aux Antilles (Westindien) depuis Toulon avec onze navires de ligne, mais après avoir rejoint la flotte espagnole, il n’osa pas se diriger vers la Manche et retourna à Cadiz. « S’en fut terminé du plan de Napoléon[clviii]», déplore presque Wulf Siewert. Car un peu plus tard, le 21 octobre 1805, Nelson arrêta la flotte franco-espagnole au Cap Trafalgar et la détruisit, rappelle-t-il très justement.
5.5.3 La victoire finale de l’Angleterre
Cette bataille navale constitue selon lui, et avec raison faudrait-il ajouter, « le point culminant et en même temps la fin de la féroce lutte pour la maîtrise de l’Atlantique[clix]». Dans ces conditions, Wulf Siewert affirme que Trafalgar a renforcé et scellé cent ans de domination britannique sur toutes les mers. La France quant à elle se trouvait dès lors coupée de l’Atlantique et les côtes françaises étaient en même temps les frontières maritimes de l’Angleterre (die Seegrenzen Englands[clx]). A partir de ce moment-là et pendant plusieurs décennies, la France ne s’attaqua plus sur mer à l’Angleterre. Dans un même mouvement, le commerce maritime passa complètement aux mains des Anglais et des points stratégiques importants tombèrent également sous leur contrôle. Après les Malouines en 1765 qui leur permirent de contrôler la route autour de l’Amérique du Sud, ils prirent possession en 1806 du Cap, station intermédiaire sur la route des Indes, en 1815 de St. Hélène Ascension et en 1816 de Tristan da Cunha. Sur le continent américain, ils possédaient le Canada. La France, a contrario, remarque Wulf Siewert, en dehors de la Guyane et de quelques îles dans les Caraïbes, n’était plus présente en Amérique, en particulier après avoir vendu la Louisiane pour 60 millions de francs, Napoléon ayant sans doute été convaincu qu’il n’était pas en mesure de conserver ce territoire.
En définitive, Wulf Siewert veut montrer au lecteur que la confrontation franco-anglaise s’acheva sur une victoire éclatante des Anglais qui avaient compris que la suprématie mondiale passait nécessairement par la maîtrise de l’Atlantique. Ils avaient précisément eu l’intelligence de lier la guerre sur terre pour le contrôle de nouvelles colonies à la guerre sur mer pour s’assurer les flux logistiques entre ces territoires et la métropole. L’Angleterre a réussi dans cette entreprise, même si la perte des Treize colonies américaines constitua à cet égard son plus gros échec.
La France de son côté, qui n’a jamais su véritablement développer sa puissance maritime, a perdu la bataille contre l’Angleterre, car elle a toujours privilégié une stratégie défensive et a oublié que les batailles terrestres, la conquête ou le maintien des colonies se gagnaient grâce à la maîtrise de la mer et de l’Atlantique en particulier.
Du point de vue de la philosophie de l’Histoire, on perçoit dans cette période des bouleversements identiques à ceux que l’on a pu observer au cours des époques précédentes. La lutte franco-anglaise s’achève en effet par la victoire de l’Angleterre sur la France et en même temps par l’émergence de la suprématie navale anglaise sur l’Atlantique. Ce processus correspond bien à la Aufhebung hégélienne dans la mesure où la domination maritime anglaise est l’aboutissement d’un mouvement qui était en germe depuis fort longtemps et qu’elle renferme en elle-même les expériences historiques passées. Cette nouvelle étape constitue bien un nouveau palier de développement de l’Histoire caractérisé par la suprématie maritime de l’Angleterre sur l’Atlantique et corrélativement par l’éviction de la France de cet océan.
SOUS-SECTION IV – L’EPOQUE AMERICANO-BRITANNIQUE
1. Le droit des neutres, origine de la guerre anglo-américaine
Cette période peu significative au regard de l’histoire de la guerre navale, mérite cependant, selon Wulf Siewert, d’être analysée en raison de la guerre anglo-américaine de 1812 à 1814. Aux yeux de notre spécialiste en effet, l’origine réelle de cette guerre était la lutte pour les droits des neutres dans l’Atlantique. Dans son Order in Council du 18 novembre 1807, l’Angleterre déclara que tous les ports ennemis devaient être soumis aux mêmes restrictions indistinctement. « Cette mesure anglaise suscita l’opposition des autres puissances et en particulier celle des Etats-Unis[clxi].» Car les Etats-Unis souhaitaient commercer avec l’Europe, ce qui heurtait fondamentalement les Anglais. Ainsi, les Anglais décidèrent de visiter les navires américains et parfois de les conduire vers des ports anglais et de les saisir, alors même que les marchandises n’étaient pas destinées à la France. Dans ce même mouvement, indique Wulf Siewert, les marins américains étaient invités avec insistance par les autorités anglaises à servir à bord des unités combattantes anglaises, car tous ceux qui étaient nés avant 1782 étaient considérés comme Anglais de naissance. Les actions hostiles vis-à-vis des Etats-Unis ne pouvaient que conduire à la guerre qui éclata finalement au printemps 1812.
2. Victoire de l’Angleterre et suprématie maritime anglaise sur l’Atlantique pendant l’ère napoléonienne
Même si l’Angleterre ne parvint pas à assurer un blocus total des Etats-Unis, les mesures prises, observe Wulf Siewert, réduisirent à néant le commerce maritime américain. Cette guerre eut également une autre conséquence : le renforcement de la suprématie navale britannique sur l’Atlantique et ce grâce à l’intervention pour la première fois dans l’histoire d’une puissance américaine souveraine dans les affaires européennes. Wulf Siewert arrive à une conclusion claire et sans appel : « Une ligne directrice presque ininterrompue traverse l’histoire de l’Angleterre depuis la bataille contre l’Armada en passant par La Hougue, Quiberon et Trafalgar jusqu’à St. Hélène. L’Angleterre devint le vainqueur de l’époque napoléonienne[clxii].» Après cette époque néanmoins, l’impérialisme nord-américain se manifesta peu à peu jour en direction de l’Amérique du Sud.
3. L’impérialisme américain ou la doctrine de Monroe
Wulf Siewert revient sur la fameuse missive adressée par le Président Monroe au Congrès le 2 décembre 1823 dans laquelle il exprimait l’idée que l’Amérique libre ne devait plus être l’objet de colonisation européenne et que les Etats-Unis considèreraient toute ingérence sur le continent américain comme un acte hostile. Elle marque, et Wulf Siewert le rappelle avec force, « la naissance d’une nouvelle puissance indépendante outre atlantique[clxiii] ». Mais le développement des Etats-Unis vers la constitution d’une grande puissance fut interrompu par la guerre de Sécession (1861-1865) au cours de laquelle l’Atlantique joua un rôle déterminant.
4. La maîtrise de l’Atlantique et la guerre de Sécession (1861-1865)
La plus grande partie de la flotte américaine, indique Wulf Siewert, resta fidèle au Nord qui eut ainsi la possibilité de faire le blocus des Etats du Sud. Et précisément, les Etats du Sud, souligne notre analyste allemand, étaient tributaires de l’Atlantique par lequel transitaient les armes et munitions importées d’Europe et les exportations de coton, tabac et sucre qui permettaient de payer ces importations. Cette arme redoutable qu’est le blocus fut utilisée à grande échelle par les Etats du Nord si bien que les Etats du Sud étaient coupés de l’Atlantique et, par suite, des aides européennes. Cette analyse permet à Wulf Siewert de se référer explicitement à Mahan et de reprendre une de ses phrases: « Jamais la puissance maritime n’aura joué un rôle plus grand que durant la guerre de Sécession[clxiv].»
L’on voit donc une nouvelle fois que Wulf Siewert met l’accent dans son analyse sur le lien indissociable existant entre la guerre sur mer et la maîtrise de la mer – de l’Atlantique en particulier – d’une part et la guerre terrestre d’autre part. Une fois encore la maîtrise de l’Atlantique – idée chère à Wulf Siewert – a permis de sauver l’unité des Etats-Unis. Plus tard, la conquête de l’Ouest accaparera le pays tout entier si bien que la politique maritime passera au second plan avant d’y revenir avec les théories développées par l’Amiral Mahan.
5. Le renouveau de la marine américaine sous l’impulsion de Mahan
Sous l’impulsion des écrits de Mahan, les Etats-Unis prirent le chemin de l’expansion maritime (maritime expansion) et décidèrent, comme le rappelle Wulf Siewert, de se lancer dans la construction d’une nouvelle marine (the new navy[clxv]). Le nouvel impérialisme se dirigea tout d’abord contre Cuba et l’Espagne. Au cours de la guerre américano-espagnole, relève Wulf Siewert, la flotte espagnole fut anéantie en 1898 non loin de Santiago de Cuba en raison de son manque de préparation. « Comme toujours, à la perte de la maîtrise de la mer succéda la perte des colonies. Cuba, Portorico ( et les Philippines ) durent être cédés à l’Amérique[clxvi].» Car selon Wulf Siewert, sans maîtrise de la mer, il était impossible à l’Espagne de conserver ses colonies.
La construction du canal de Panama constitua également un enjeu stratégique de premier ordre pour les Etats-Unis puisqu’il permit de relier l’Atlantique au Pacifique. « Lorsque le premier navire emprunta le canal de Panama en août 1914, la position politique des Etats-Unis s’était incroyablement renforcée, note Wulf Siewert, et s’en fut terminé de l’influence anglaise dans cette zone[clxvii]. » Mais l’Angleterre resta néanmoins maîtresse de l’Atlantique dans les eaux européennes.
6. L’Atlantique : un océan partagé entre les Etats-Unis et l’Angleterre
6.1 L’élimination de la France
Le 19ème siècle représenta pour l’Angleterre le sommet de sa suprématie maritime. Elle avait écarté de l’Atlantique, rappelle Wulf Siewert, tous ses concurrents. La rivalité franco-anglaise, qui concerna principalement les colonies, se termina en définitive par le triomphe de l’Angleterre à Fachoda en 1898. A partir de ce moment-là, la France se contenta « d’un rôle de puissance maritime de second rang et évita la confrontation avec l’Angleterre dans les colonies [clxviii]». On se rappelle qu’aux yeux de Wulf Siewert la puissance maritime par excellence est l’Angleterre et que la France, dès lors qu’elle s’était résolue, depuis Trafalgar, à ne jouer qu’un second rôle sur mer, ne pouvait devenir une véritable puissance maritime. C’est l’idée que notre auteur allemand a développée dans son ouvrage Die britische Seemacht et que nous avons analysé dans la première partie de la présente étude.
Bien que l’Angleterre ait éliminé la France de l’Atlantique, elle n’était cependant pas maîtresse de l’ensemble de cet océan. Elle était obligée de composer, indique Wulf Siewert, avec la nouvelle puissance de l’Ouest, les Etats-Unis.
6.2 L’Atlantique de l’Ouest aux Etats-Unis et l’Atlantique de l’Est à l’Angleterre
La sphère de domination océanique de l’Angleterre se limitait aux eaux européennes de l’Atlantique et à l’Atlantique Est. Autrement dit, l’Angleterre régnait sur le triangle Angleterre-Gibraltar-Açores, rappelle justement Wulf Siewert, et « cette zone maritime représentait précisément la pierre d’angle de la position maritime britannique dans le monde[clxix]». L’Angleterre pouvait de la sorte contrôler le commerce maritime mondial. En revanche, elle n’était plus en mesure d’exercer une influence notable sur l’Atlantique Ouest d’où elle était exclue par la puissance maritime nord-américaine. Un autre élément bouscula également à la fin du 19ème siècle la quiétude de l’Angleterre dans sa zone d’influence européenne : la constitution de l’Empire allemand et de la marine allemande.
7. L’opposition germano-britannique
Si la période américano-britannique dans son ensemble se caractérisa par le choc frontal entre l’Angleterre et les Etats-Unis, l’entrée de l’Allemagne sur la scène internationale après la constitution de l’Empire allemand sous la conduite de Bismarck fut également une étape importante de cette époque.
7.1 L’essence de la politique navale de l’Empire allemand
Sous l’impulsion de Tirpitz, rapporte Wulf Siewert, l’Empire allemand prit la décision « de construire sa propre puissance navale ce qui était d’autant plus difficile que depuis l’époque de la Hanse toute ambition allemande en matière de puissance maritime avait été perdue de vue[clxx]». Wulf Siewert considère que l’œuvre de Tirpitz peut être comparée à celle de Colbert. Ce qui marqua la politique maritime engagée par Tirpitz, souligne notre auteur, c’était son idée défensive (defensiver Gedanke[clxxi]). En effet, l’Allemagne visait à avoir une flotte d’une puissance telle que toute attaque d’autres puissances maritimes contre le commerce maritime allemand ne puisse être envisagée. Sa flotte devait être un moyen de pression (ein Druckmittel[clxxii]), c’est-à-dire une « force de dissuasion », une garantie pour la protection de son commerce maritime. Cette orientation de la politique allemande, dans ces conditions, ne pouvait que conduire, selon Wulf Siewert, à une opposition entre l’Allemagne et l’Angleterre qui contrôlait la majeure partie du commerce maritime mondial. Les tensions germano-anglaises grandirent au fur et à mesure de l’expansion coloniale allemande qui se manifesta par la conquête de côtes atlantiques au Togo, au Cameroun et dans une partie de l’Afrique australe sans parler du Maroc.
7.2 Le rôle de l’Atlantique et de la Mer du Nord
Lorsqu’en 1912 l’Angleterre transféra son centre de gravité (der Schwerpunkt[clxxiii]) de la Méditerranée vers la Mer du Nord, observe notre historien, elle déplaça en même temps son front en Mer du Nord et prit position face à l’Allemagne.
Selon Wulf Siewert, l’Angleterre pouvait s’adosser à l’Atlantique (Englands Rücken[clxxiv]), depuis que la France avait abandonné toute ambition maritime et que l’Amérique avait rejoint le front anglo-saxon. De plus, « l’Atlantique, depuis l’avènement de la navigation à vapeur au détriment de la navigation à voile, jouait au plan stratégique un rôle de séparation plus grand qu’auparavant. Car le rayonnement maritime d’un navire à vapeur était limité par rapport au rayon d’action quasi illimité d’un voilier[clxxv]». Wulf Siewert revient là sur une idée qu’il avait déjà exprimée dans son ouvrage « Die britische Seemacht » publié en 1939 et que l’on a étudié au début de la présente étude. Son analyse peut à cet égard être qualifiée de pertinente dans la mesure où, aujourd’hui, elle est communément admise par les historiens de la stratégie navale comme déjà observé plus haut.
Mais l’Atlantique était aussi au cœur de l’opposition entre l’Allemagne et l’Angleterre, après avoir été pendant plus de cent ans au centre des luttes franco-anglaises d’abord et anglo-américaines ensuite.
L’opposition frontale entre l’Angleterre et l’Allemagne était inévitable, estime Wulf Siewert, dès lors que l’Angleterre ne voulait céder sur la libre utilisation de la mer en général et de l’Atlantique en particulier. Or l’Allemagne revendiquait une partie des richesses mondiales. Dans ces conditions, « l’Empire allemand n’eut d’autre choix que de construire sa propre puissance maritime[clxxvi]». Notre historien résume ainsi la situation : « Entre l’Allemagne et l’Angleterre il ne pouvait y avoir que coopération ou opposition. Toute solution intermédiaire ne pouvait être que provisoire, c’est ce qui était tragique dans les relations des deux peuples[clxxvii]. » La suite de l’histoire a montré que l’Angleterre n’était pas disposée à coopérer avec l’Allemagne, c’est-à-dire à laisser à l’Allemagne la libre utilisation de l’Atlantique. La guerre était-elle pour autant inévitable ? Notre historien allemand en tout cas en est convaincu
7.3 La stratégie navale allemande durant la Première Guerre mondiale
Après que l’Angleterre eut coupé le commerce maritime allemand en Manche réalisant ainsi la première étape de sa stratégie navale, l’Allemagne était coupée de ses navires qui croisaient dans l’Atlantique, rapporte Wulf Siewert. Ainsi, en toute logique, « la situation stratégique de l’Allemagne aurait dû inciter dès le départ à la mise en œuvre d’une énergique conduite offensive de la guerre[clxxviii]», écrit notre auteur. Il reprend en cela expressément et littéralement l’idée de l’Amiral Wegener auquel il se réfère : « Il était du devoir de la Hochseeflotte d’ouvrir la porte de l’Atlantique que l’Angleterre tenait fermée[clxxix]. » Malheureusement, le pouvoir politique du Reich considéra que la flotte devait être économisée pour les pourparlers de paix, poursuit Wulf Siewert. « L’ordre d’opération allemand pour la guerre en Mer du Nord a été rédigé dans un esprit défensif, renouvelant de la sorte les erreurs qui avaient déjà été perpétrées dans l’histoire de l’Atlantique, comme nous l’avons vu, par les Français et les Espagnols[clxxx]. » Et Wulf Siewert de marteler avec force son idée maîtresse : « La lutte pour la maîtrise de la mer dans une telle situation d’urgence ne peut être conduite que sur un mode offensif[clxxxi].» Car pour l’Allemagne, le blocus ne pouvait avoir que des conséquences dramatiques, estime Wulf Siewert. Notre historien, dans cette analyse, donne son approche de la stratégie navale reprenant ainsi, comme il l’indique, l’approche d’un certain Pitt : « La guerre défensive sur mer est le plus sûr anéantissement. Une flotte de guerre peut être contrainte à la guerre défensive ; mais elle ne peut pas être engagée défensivement ; car la défensive est un état provisoire qui contredit la nature profonde de la mer[clxxxii].» Wulf Siewert regrette ici explicitement que l’Allemagne n’ait pas pris cette orientation pendant la Première Guerre mondiale, même s’il reconnaît que l’Angleterre, dans ce même contexte, avait précisément choisi une stratégie défensive contrairement à ses habitudes, mais, dans son cas, la géographie lui permettait de s’assurer la maîtrise de l’Atlantique.
Cependant, avec la guerre sous-marine à outrance (der unbeschränkte U-Bootkrieg[clxxxiii]), souligne Wulf Siewert, l’Allemagne – malheureusement trop tardivement – mit enfin en « œuvre une stratégie navale offensive[clxxxiv]» en s’attaquant aux voies maritimes anglaises. Cette guerre sous-marine menée en Atlantique « était dans son exécution une guerre au commerce, dirigée contre les sources de la puissance anglaise[clxxxv]». Les succès remportés par la marine allemande prouvèrent tout de suite, estime Wulf Siewert, la justesse de cette nouvelle stratégie offensive. Du coup, la maîtrise complète de l’Atlantique échappa aux Anglais et l’Angleterre se trouva au bord du précipice puisque le tonnage coulé était au plus haut en avril 1917, observe Wulf Siewert. Le système de convois (das Geleitzugsystem[clxxxvi]), les importations de minerais et de matériels de guerre depuis le Canada et enfin l’arrivée des troupes américaines en France permirent en définitive à l’Angleterre de remporter la victoire face à l’Allemagne, rappelle fort à propos Wulf Siewert. « Il convient de ne pas oublier, insiste-t-il, que les importations les plus importantes et les plus grandes pour les puissances mondiales arrivaient d’Amérique du Nord et du Sud ce qui prouvait l’importance déterminante de l’Atlantique en tant que route maritime[clxxxvii]. » Voici rappelé ici le fil directeur de l’étude géostratégique et géopolitique de Wulf Siewert : la maîtrise de l’Atlantique détermine la position mondiale d’une puissance ; faute d’avoir su acquérir cette maîtrise de l’Atlantique, l’Allemagne a été rejetée de l’Atlantique et donc de la politique mondiale.
SOUS-SECTION IV – SIGNIFICATION DES EPOQUES HISTORIQUES DU POINT DE VUE DE LA PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE
Wulf Siewert montre qu’au cours de chaque époque historique des contradictions sont apparues, contradictions qui ont fait éclore une période nouvelle. On ne peut s’empêcher de voir dans cette analyse que ce qui est à l’œuvre à travers les époques, c’est la dialectique historique telle que Hegel l’a étudiée dans ses fameuses leçons relatives à la philosophie dans l’Histoire. Wulf Siewert ne se réfère pas expressément à ce philosophe allemand, mais les différentes étapes historiques qu’il décrit sont bien le résultat d’une Aufhebung, c’est-à-dire d’une synthèse englobant le passé et en même temps le présent, le tout correspondant à un niveau de développement historique supérieur. Il en fut ainsi de l’époque hollandaise qui succéda à la période hispano-portugaise, de l’époque franco-britannique qui succéda à la période hollandaise ainsi que des autres périodes historiques ultérieures. Il existe, à notre sens, une filiation claire entre la première époque et la dernière, celle des Hispano-portugais et celle qui voit le partage de l’Atlantique entre les Etats-Unis, nouvelle puissance mondiale, et l’Angleterre, maîtresse de cet océan dans sa partie européenne.
La quatrième époque historique – la période américano-anglaise – constitue pour Wulf Siewert le dernier stade de l’évolution historique, au moment où il analyse l’Atlantique. Il considère à cet égard que le Traité de Washington (1922) était bien le plus grand succès de l’Amérique puisqu’elle obtenait par là même la parité avec l’Angleterre. La France, au cours de cette époque historique, avait de son côté accepté d’être une puissance maritime de second rang.
Par delà cette étude historique claire et quelquefois brillante, Wulf Siewert se lance dans l’analyse du rôle contemporain de l’Atlantique et du rôle que celui-ci peut jouer dans l’avenir, c’est-à- dire dans une cinquième période historique à venir. Il s’attèle à cette étude dans le dernier chapitre de son ouvrage, chapitre qu’il corrige en 1943 à la lumière des événements de la Deuxième Guerre mondiale et qui fait l’objet de la troisième partie de la présente étude.
SYNTHESE PARTIELLE-PARTIE II
Wulf Siewert relève que l’Atlantique est entré tard dans l’histoire des hommes, en particulier en comparaison de la Méditerranée, parcourue très tôt par les Arabes, et de l’océan Indien exploré par les Chinois ou encore les Malais dès l’aube de l’humanité.
Cependant, l’Atlantique, voie de communication par excellence entre les continents et les océans et source de richesses grâce à la pêche, a été franchi dès le 9ème siècle par les Vikings qui ont ainsi réussi à atteindre les côtes canadiennes. Mais non conscients d’avoir découvert une nouvelle terre, leur exploit n’a pas eu la moindre suite dans l’histoire de l’humanité.
Ce sont les Portugais d’abord au 15ème siècle et les Espagnols ensuite qui ont réellement fait entrer l’Atlantique dans l’Histoire, estime Wulf Siewert. Les Hollandais, les Français et les Anglais se sont plus tard intéressés à cet immense océan, ce qui provoqua des luttes sans merci pour le contrôle des voies maritimes atlantiques reliant l’Europe aux colonies outre mer, source d’énormes richesses et de puissance.
Les Hispano-portugais les premiers, puis les Hollandais et enfin les Français ont été, tour à tour, éliminés de l’Atlantique car, faute d’avoir su développer une marine de guerre puissante, ils n’ont pu s’assurer la maîtrise de l’Atlantique et, par suite, ont perdu le contrôle des voies de communication atlantiques. Ces pays, aux yeux de Wulf Siewert avaient acquis la Seegeltung et pas la véritable Seemacht. Or, précisément, selon notre analyste allemand, la maîtrise de la mer, et de l’Atlantique en particulier, détermine la position mondiale d’un pays – son rang dans le monde dirait-on aujourd’hui – dans la mesure où elle permet d’entretenir un lien permanent avec les colonies outre mer et de protéger son commerce maritime. C’est là l’idée maîtresse de l’analyse géostratégique et géopolitique de Wulf Siewert.
Seule la Grande-Bretagne avait compris – son insularité ne lui laissait guère le choix si elle voulait participer aux affaires du monde et du continent européen – que la véritable puissance maritime passait par la possession d’une marine de guerre puissante qui seule lui permettrait d’avoir la maîtrise de la mer, donc de contrôler les routes maritimes atlantiques vers les colonies outre mer, et en définitive d’asseoir son rang de puissance européenne et mondiale. On se rappellera ici les propos de Sir Walter Raleigh auxquels Wulf Siewert souscrit entièrement : « Celui qui domine la mer domine le commerce, celui qui domine le commerce contrôle les richesses mondiales et en conséquence le monde entier. »
Mais si au 19ème siècle l’Angleterre est bien parvenue au sommet de sa suprématie maritime puisqu’elle avait écarté tous ses concurrents de l’Atlantique et en dernier lieu la France depuis Trafalgar, l’Angleterre dut accepter, selon Wulf Siewert, l’affirmation de la puissance maritime nord-américaine et finalement le partage de l’océan Atlantique avec les Etats-Unis. En effet, la guerre américano-espagnole, qui s’est achevée par l’anéantissement de la flotte espagnole en 1898, et la construction du canal de Panama marquèrent le renouveau de la puissance maritime des Etats-Unis dans l’Atlantique Ouest, sous l’influence des écrits de l’Amiral Mahan. A partir de cette époque, la Grande-Bretagne dut se contenter du triangle Gibraltar-Açores-Angleterre dont la maîtrise lui permettait cependant de contrôler une grande partie du commerce maritime mondial et les routes vers les colonies outre-mer, et, par conséquent, de rester une puissance mondiale.
Alors que l’Atlantique était resté pendant près de cent ans au cœur des luttes franco-anglaises, d’abord, et anglo-américaines ensuite, sa libre utilisation devint au début du 20ème siècle l’objet d’une opposition frontale entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne. L’Empire allemand de Guillaume II, sous l’impulsion de Tirpitz, se lança, rappelle fort à propos Wulf Siewert, dans la construction d’une véritable marine de guerre, la Hochseeflotte, afin d’être en mesure de protéger son commerce maritime et d’assurer son expansion coloniale. Cette orientation de la politique maritime de l’Allemagne ne pouvait que conduire à l’affrontement avec les Anglais car elle mettait en cause leur suprématie maritime sur l’Atlantique. En dépit du caractère dissuasif de la Hochseeflotte – elle devait en effet seulement dissuader tout adversaire de s’attaquer au commerce maritime allemand selon Wulf Siewert -, l’Angleterre déclara la guerre à l’Allemagne.
Au cours de la Première Guerre mondiale, le pouvoir politique du Reich mit en œuvre une stratégie navale défensive. L’analyse de ce conflit permet à Wulf Siewert de préciser sa conception de la stratégie navale et de la guerre sur mer en général.
Il considère que la maîtrise de la mer dans une telle situation d’urgence – il faut se rappeler que la Grande-Bretagne avait mis en place un blocus efficace en Mer du Nord pour étrangler économiquement l’Allemagne – et en raison de la situation stratégique de l’Allemagne aurait du inciter les dirigeants allemands à la mise en œuvre d’une conduite offensive de la guerre sur mer, reprenant à son compte les idées du contre amiral Wegener. Wulf Siewert pousse même plus loin son analyse. Il estime en effet que la guerre sur mer en général ne peut être conduite que sur un mode offensif ; car une flotte de guerre ne peut être engagée défensivement même si, dans certaines circonstances, elle peut être contrainte à la guerre défensive. La défensive, selon notre stratège allemand, contredit la nature profonde de la mer. C’est pourquoi la lutte pour la maîtrise de la mer passe naturellement par l’offensive. Cette idée en matière de stratégie navale trouve son illustration non seulement dans l’histoire contemporaine mais aussi dans l’histoire plus ancienne de l’Atlantique. En effet, les peuples qui avaient oublié ce caractère fondamental de la guerre sur mer, les Français et les Espagnols notamment, ont perdu les batailles sur l’Atlantique, donc le contrôle de leurs voies maritimes et, par suite, leurs colonies. L’analyse de notre marin allemand sonne très juste et s’inscrit, à notre sens, dans la théorie classique de la maîtrise des mers à laquelle il adhère entièrement, comme nous l’avons vu dans la première partie de la présente étude, dans la mesure où la maîtrise de la mer consiste aussi à empêcher l’ennemi d’utiliser ses propres voies de communication. Cela signifie en réalité pour Wulf Siewert qu’une puissance maritime ne peut se contenter de l’acquisition d’une marine de guerre pour s’assurer la maîtrise de la mer en général et de l’Atlantique en particulier – la possession de cet outil est toutefois une condition préalable comme déjà indiqué –, mais qu’il lui faut impérativement déployer une stragégie navale offensive pour dominer la mer et ceci s’applique en particulier à l’Allemagne désireuse de protéger ses routes maritimes atlantiques donc sa politique coloniale et mondiale. C’est là l’idée maîtresse de Wulf Siewert en matière de stratégie navale.
Dans ce domaine, Wulf Siewert met également en exergue l’interdépendance entre le théâtre maritime et le théâtre terrestre, c’est-à-dire le lien indissociable existant entre la guerre sur mer et la guerre terrestre : la perte du Canada et des territoires indiens pour la France et des Treize colonies pour la Grande-Bretagne est selon lui la conséquence directe de la perte de la maîtrise de la mer par ces pays qui, elle-même, a entraîné l’interruption des flux logistiques vitaux vers ces colonies. L’importance qu’il accorde aux flux logistiques, indissociables de la maîtrise des mers et de l’Atlantique en particulier, pour la conservation des colonies ou la conquête de nouveaux territoires semble pertinente et terriblement moderne pour l’époque.
Il convient de souligner enfin que notre géopoliticien allemand est aussi un parfait hégélien. Les périodes qu’il perçoit dans l’histoire de l’Atlantique – quatre en dehors de celle qui s’ouvre avec la Seconde Guerre mondiale – leur enchainement et leur l’interprétation correspondent strictement à la dialectique que Hegel a développée dans La Raison dans l’Histoire. Chaque époque historique en effet constitue un palier supérieur et plus avancé de l’histoire de l’humanité et est le résultat d’une Aufhebung, c’est-à-dire d’une synthèse englobant le passé et en même temps le présent.
Notes de la Partie II
[i] « Allen gemeinsames Urgut und ruheloser Erzfeind zugleich von Anbeginn der Menscheitsgeschichte ist das Meer. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.1 ).
[ii] Cf. HAUSHOFER Karl : Weltmeere und Weltmächte Berlin, Zeitgeschichte-Verlag, 1937.
[iii] « Die Seemächte üben dadurch, wie sie die wirtschaftlichen und politischen Kraftströme der Welmeere nach ihrem Willen auffangen und lenken, einen so tiefen Einfluss auf die Gesamtpolitik aus, dass sie oft geradezu den Schlüssel zur Weltpolitik in Händen haben. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.2 ).
[iv] Il a rédigé un ouvrage dont le titre est : Geographie des Atlantischen Ozeans, Hamburg, 1926 et auquel Wulf Siewert se réfère.
[v] Par exemple, la Baltique dans son étude intitulée : Der Ostseeraum, Leipzig-Berlin, Teubner,1938 ou encore celle consacrée à la Méditerranée et rédigée avec un autre collaborateur de la Zeitschrift für Geopolitik, un certain HUMMEL Hans : Der Mittelmeerraum. Zur Geopolitik eines maritimen Grossraumes, Heidelberg-Berlin, Kurt Vowinckel, 1936, (Schriften zur Geopolitik, n°11).
[vi] Cf. HAUSHOFER Karl : Geopolitik des Pazifischen Ozeans. Studien über die Wechselbeziehungen zwischen Geographie und Geschichte. Heidelberg-Berlin, Kurt Vowinckel, 1924.
[vii] « Nord- und Ostsee zusammengerechnet z.B. machen noch nicht 1% der Gesamtoberfläche des Atlantik aus. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.2 ).
[viii] « Er ist 11 mal so gross wie Europa und 2,5 mal so gross wie Asien. ». ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.2 ).
[ix] « Das hat eine interessante geopolitische Folge insofern, als das nach Osten vorliegende Südamerika näher an Europa liegt, als das weit vorstossende Nordamerika. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.3 ).
[x] « Dementsprechend sind auch die verkehrsmässigen Beziehungen mit Europa besser als mit Nordamerika. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.3 ).
[xi] « Dadurch, dass zwischen Europa und Amerika keine andere Verbindungsmöglichkeit besteht als der Atlantik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.3 ).
[xii] « Zwischen Spanien und Newyork wächst die Entfernung durch das Zurückweichen des amerikanischen Kontinents auf 3000 sm oder 55000 km. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.3 ).
[xiii] «Ein Teil des Golfsstromes (…) dringt durch die Gasse zwischen Nordschottland und der Far Öern und erwärmt alle norwegischen Fjorde bis zum Nordkap, so dass sie auch im Winter laues Wasser führen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.5 ).
[xiv] « Dem Golfsstrom ist es zu verdanken, dass diese Häfen eisfrei sind und überhaupt Nordeuropa bewohnbar ist, während auf gleicher Breite Labrador im ewigen Eis erstarrt ist. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.6 ).
[xv] « (…) am 15. April 1912 auf 41° n. Br. Mit einem Eisberg zusammenstiess, wobei mehr als 1500 Menschen den Tod fanden.»( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.12 )
[xvi] « …in den Sommermonaten, wo an 30% aller Tage und mehr Nebel herrscht. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.8 ).
[xvii] « Kap Race wird deshalb während des ganzen Jahres gemieden. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.13 ).
[xviii] Que l’on désigne en allemand par le substantif «Westindien »
[xix] Terminologie retenue par Hervé Coutau-Bégarie dans son Traité de Stratégie, p.715 et suiv.
[xx] « Die europäischen Staaten wenden sich ebenso mit ihrem Schwergewicht dem Atlantik zu wie die nordamerikanischen und südamerikanischen Länder. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.4 ).
[xxi] Cf. Introduction à la partie II de la présente étude.
[xxii] « [In der Fjordküste ebenso Norwegens wie in Spanien bergen sich zahlreiche gute Häfe], denen nur ein entwickelungsfähiges Hinterland fehlt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.4 ).
[xxiii] « …dafür das wirtschaftliche Hinterland aber desto grösser und entwickelungsfähiger scheint. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.4 ).
[xxiv] « Besonders benachteiligt durch seine Hafenarmut ist Südwestafrika. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.5 ).
[xxv] Dans son Traité de Stratégie, Hervé Coutau-Bégarie distingue trois fonctions positives de l’élément marin : mer source de richesses, mer voie de communication et mer théâtre des conflits. Cf. p.785 et suiv.
[xxvi] Cf. COUTAU-BEGARIE Hervé, Traité de Stratégie, op.cit., p.789.
[xxvii] En allemand : « Besiedlung des Meeres » que l’on pourrait également traduire en français par « peuplement de la mer » ; Wulf Siewert emprunte cette expression à Karl Haushofer, auquel il fait expressément référence dans le texte : Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.15.
[xxviii] Cf. HAUSHOFER Karl, Geopolitik des Pazifischen Ozeans, op.cit..
[xxix] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.15.
[xxx] « An Fischarten werden an der portugiesischen Küste Sardine und Thunfisch gefangen, in der Nordsee vorwiegend Scholle, Kabeljau, Heilbut, Schellfisch und Hering. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.15 ).
[xxxi] « Allein durch den Kabejaufang auf den Flachseegründen des Nordatlantik gewinnen fast 200 000 Menschen ihren Lebensunterhalt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.16 ).
[xxxii] « Die französischen Fischer, die meist aus der Bretagne stammen und zu den besten Seeleuten Europas zählen… » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.16 ).
[xxxiii] «Der französische Staat schützt diese Fischer, (…) nicht aus wirtschaftlichen Gründen, sondern weil er sich diesen Stamm tüchtiger Seeleute für seine Kriegsmarine [erhalten will ; denn Frankreich ist nicht reich an solchen Seeleuten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.16 ).
[xxxiv] Ce système n’a plus cours depuis la suspension du service militaire.
[xxxv] « Malaien, Chinesen und Araber haben den Indopazifik schon seit den früheren Tagen befahren, so dass auf ihm schon grosse Völkerverschiebungen vonstatten gingen, als der Atlantik noch unbekannt war. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.17 ).
[xxxvi] « Man darf annehmen, dass schon um 1200 v. chr. der östliche Atlantik westlich von Gibraltar bis Finisterre und vielleicht sogar bis zu den Scillys […] befahren wurde, um mit den Bewohnern der Nord- und Ostseeküsten zu handeln. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.17 ).
[xxxvii] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.17.
[xxxviii] Selon le Petit Robert des Noms Propres : Navigateur, astronome et géographe grec du IV ème siècle né à Marseille. Parti de Marseille, il franchit le Détroit de Gibraltar navigua plusieurs mois sur l’Atlantique, atteignit la Grande-Bretagne, l’Ile de Thulé ( Islande, Shetland ? ) et pénétra sans doute dans la Baltique. Sa relation de voyage « Description de l’Océan » nous est connue par les citations de Polybe et Strabon.
[xxxix] « Pytheas von Massilia ist um 325 v.chr. jedenfalls bis Jütland, Nordbritannien und den Shetlandinseln gelangt… » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.17 ).
[xl] « Mittelmeer und Ostsee waren die grossen Weltverkehrsbecken der damaligen Zeit, über deren Grenzen man sich kaum hinaustraute. ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.18 ).
[xli] « Somit sind die Normannen die ersten Europäer die Amerika entdeckt und betreten haben. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.18 ).
[xlii] « Die Normannen selbst waren sich nicht bewusst, einen neuen Erdteil entdeckt zu haben. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.18 ).
[xliii] « (…) so dass die eigentliche Entdeckung Amerikas 500 Jahre später für Europa völlig überraschend war. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.18 ).
[xliv] « [Es lag daher nahe], den direkten Seeweg nach Indien zu suchen, um damit an die Quellen des orientalischen Reichtums zu gelangen und alle Zwischenhändler auszuschalten. » » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.18 ).
[xlv] « [Man] wollte den Islam auch in anderen Erdteilen bekämpfen und das Christentum unter anderen Völkern verbreiten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.19 ).
[xlvi] « [Er] gründete in Sagres unmittelbar am Kap San Vincent eine Schule der Nautik und der Astronomie und organisierte seit 1420 mit grossen Mitteln die verschiedenen Schiffsexpeditionen entlang der afrikanischen Küste. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.19 ).
[xlvii] « Ein besonderes datum ist für uns die Auffindung der Kongomündung 1484 durch Diego Câo, weil ihn ein Deutscher, der Nürnberger Kosmograph Martin Behaim als Berater und Navigationsoffizier begleitete. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.19 ).
[xlviii] « Dies blieb erst dem grossen Seefahrer Vasco da Gama vorbehalten, der 1497-1498 diese glänzende Leistung vollbrachte und Portugals Herrschaft über den Indischen Ozean und sein Monopol im Gewürzhandel begründete. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.19 ).
[xlix] « Columbus wird ewig der Ruhm bleiben, die erste bewusste Überquerrung des atlantischen Ozeans von Ost nach West und von West nach Ost durchgeführt zu haben. Damit gab er tatsächlich der Weltgeschichte eine andere Richtung. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.20 ).
[l] « Die Entdeckung Amerikas (…) bedeutete für Europa die Eroberung einer neuen Welt, Ausweitung des geographischen und politischen Horizontes, Verlagerung der Seewege, der Wirtschaft und damit des politischen Schwerpunkts der europäischen Welt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.20 ).
[li] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.20.
[lii] « Er war der erste Mensch, der die Welt umsegelte, und bleibt damit wohl der grösste Seefahrer aller Zeiten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.20 ).
[liii] « Denn damals war noch eine ganz unbekannte Welt zu entdecken. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.21 ).
[liv] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.22 .
[lv] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.22 .
[lvi] « (…) das Bild des Atlantik als ein sehr spät in das Licht der Menschheit getretenen Meeres (…) . Je mehr der Mensch aber die Eigenart und Schwierigkeiten des Atlantishen Ozeans zu meistern wusste, je mehr sich seine westlichen küsten besiedelten, um so mehr wurde er zu der wichtigsten politischen und wirtschaftlichen maritimen Bühne des Europäers. Er wurde das eigentliche Weltmeer schlechthin.» ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.23 ).
[lvii] « Die überschüssige Volkskraft, insbesondere der Spanier, die nun einmal geborene Krieger sind, gab die Grundlage für eine Eroberung im grossen Still. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.23 ).
[lviii] « Besonderes wichtig wurde auch für die spätere Ausdehnung der portugiesischen Herrschaft die Kunst des Kreuzens, d.h. des Segelns schräg gegen den Wind, die nun der Europäer beherrschte und die ihm eine viel grössere Manövrierfähigkeit gestattete, während z.B. die Araber nur vor dem Monsun zu segeln gewohnt waren. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.23 ).
[lix] « Zum erstenmal befuhr der Europäer ein wahres Weltmeer, einen offenen Ozean, auf dem andere Raumgesetze herrschten als in den engen Rand- und Nebenmeeren, die bisher Schauplatz zahlreicher Seekämpfe gewesen waren. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.24 ).
[lx] « [ Ein Zug geht seitdem] durch die europäische Geschichte, die sich nun zu einer wahren Weltgeschichte erweitert. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.24 ).
[lxi] « Damit wurde der Atlantik zum grössten Erzieher der Menschen Europas. (…) Er hat die nachkolumbische Welt mündig gemacht. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.24 ).
[lxii] « (…) dass sie seit Jahrhunderten in der mitte eines Wirtschafts- und Handelsraum sassen, der auf stets eingefahrenen Handelswegen verkehrmässig erschlossen war.Die deutschen Kaufleute der Hanse von dem Ost-Westverkehr der Nord- und Ostsee. Die Italiener lebten vom Mittelmeerverkehr, der sich gleichfalls in festen Bahnen bewegte. Für beide war es wichtig, den handel, den sie nicht nur wirtschaftlich, sondern auch strategisch beherrschten, aufrecht zu erhalten und nicht ablenken zu lassen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.24 ).
[lxiii] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.25.
[lxiv] « [Die Heimat], die von da an in den Schatten der Geschichte zurücktrat.» (Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.25.)
[lxv] « Das deutsche Reich und Italien, im Mittelalter die bestimmenden Mächte, traten gemeinsam den Weg des dunklen Rücktritts an, während die atlantischen Mächte einer strürmigen Entwickelung entgegengingen, in deren Verlauf der Kampf um die Seemacht auf dem Atlantik eine bedeutende Rolle spielte. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.25.)
[lxvi] « Das kleine Portugal war als Landmacht gegenüber dem grossen Spanien zu schwach, um auf dem Lande eine Rolle zu spielen. Es suchte in der Richtung des geringsten Widerstandes eine Ausdehnungsmöglichkeit, also über See. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.25.)
[lxvii] « Sie waren daher von Anfang an gezwungen, auf See zu kämpfen und entwickelten sich dabei zu erfolgreichen Seeleuten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.26.)
[lxviii] « Es war ein Unglück für Spanien, dass es als Landmacht mit Mittelmeerküsten plötzlich vor eine gewaltige seepolitische Aufgabe gestellt worden war, ohne eine Seemacht zu besitzen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.26.)
[lxix] « Die portugiesischen Seeleute waren durch den Kampf in den kalten Meeren um Neufundland und am kap der Guten Hoffnung gut geschult. Die spanischen Seeleute hielten sich vornehmlich im warmen mittleren Teil des Atlantik und mieden die stürmischen Breitengrade. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.26.)
[lxx] « (…), dass die Laplataländer zuerst von der pazifischen Seite her über die Anden hinweg erschlossen wurden, anstatt von der Mündung des La Plata, wie es doch natürlich gewesen wäre. » » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.26.)
[lxxi] « Die Spanier brauchten daher auch keinen Gegner zur See zu bekämpfen, was für ihre spätere seestrategische Entwickelung durchaus nachteilig war. Denn es fehlten ihnen die Seekriegserfahrungen, die sich die Portugiesen in ihren kämpfen mit den Arabern erworben.» ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.27.)
[lxxii] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.27.
[lxxiii] « [Für die Portugiesen war] das Schiff ein wichtiges Kampf- und Verkehrsmittel zur Ausübung ihrer Handelsfähigkeit. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.27.)
[lxxiv] « Und da die taktische Aufgabe der Kriegsschiffe lediglich im defensiven Schutz der Silberflotten bestand, konnte bei der spanischen Marine keine offensive Tatkraft entstehen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.27.)
[lxxv] Cette idée est résumée en ces termes : « Die Moral der Besatzungen leidet immer unter der Depression, die jede defensive Kriegsführung nun einmal ausübt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.27.)
[lxxvi] « …als ein Beispiel grössten Mutes gelten, das nur leider durch die dabei verübten Grausamkeiten (…) getrübt wird. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.28.)
[lxxvii] « Es gelang also den Spaniern (…) dagegen nicht, aus dem Atlantik ein spanisches Meer zu machen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.28.)
[lxxviii] « Diese Frage wurde von Spanien immer stiefmütterlich behandelt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.28.)
[lxxix] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.28.
[lxxx] « Der Spanier selbst war kein kaufmann und Wirtschaftler. Er war in erster Linie Soldat und Priester. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., pp.28- 29.)
[lxxxi] « Eine Seemacht ohne Seehandel ist aber undenkbar. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 29.)
[lxxxii] « Die Spanier beanspruchten für sich lediglich den Weg nach Westindien hinüber, während die Portugiesen den Südatlantik mit dem wichtigen Weg nach Ostindien mit Beschlag belegten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 29.)
[lxxxiii] « Portugal war auf dem Land zu schwach , um Spanien anzugreifen, Spanien auf der See zu schwach, um Portugal zu verdrängen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 29.)
[lxxxiv] « (…) nahmen die Angriffe auf die Kauffahrer, die Niederlassungen und die Seewege zu. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 30.)
[lxxxv] « Der Schleichhandel mit den amerikanishen Kolonien wuchs von Jahr zu Jahr. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 30.)
[lxxxvi] « Zum erstenmal war der Atlantik zum kampfplatz der Europäer geworden. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 31.)
[lxxxvii] « [Die Niederlage der Armada] war die erste echte atlantische Entscheidung. » » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 32.)
[lxxxviii] C’est-à-dire : dépassement conservant le dépassé comme dépassé intériorisé. Traduction retenue par ALTHUSSER Louis dans son essai : Lénine et la philosophie suivi de Marx et Lénine devant Hegel, FM/ petite collection Maspero, Paris, 1972, p.66.
[lxxxix] « 1639 rüstete Spanien eine mächtige Flotte von 69 Schiffen aus unter dem Befehl des Admirals Oquendo, die dazu bestimmt war, die Niederlande von See anzugreifen. ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 32.)
[xc] « Diesmal war es für Spanien eine vernichtende Niederlage, von der sich die spanische Marine kaum noch erholt hat. Spanien gab von da an, jeden Versuch auf, den Niederländern auf hoher See entgegen zu treten. Die spanische Stellung war von da an erschüttert (…) und so war es doch als Seemacht und Handelsmacht erledigt.» ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 32.)
[xci] « Es hatte die Gesetze des Atlantik nicht verstanden. Hier entschied nicht die Stärke der Armee, sondern einzig und allein die Seemacht. Nur ein Staat mit einer mächtigen Flotte konnte hoffen, seine transatlantischen Handelswege zu schützen.( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 32-33.)
[xcii] « Den iberischen Völkern gelang es [zwischen 1492 und 1639], den beschränkten geographischen Horizont des Mittelalters unerhört zu erweitern. Das Weltmeer trat in die Völkergeschichte ein.( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p. 33.)
[xciii] Cf. HEGEL Georg Wilhem Friedrich, Die Vernunft in der Geschichte, 5. Aufl.(édition), Felix Meiner Verlag, Hamburg, 1955.
[xciv] « [Der innerliche Gewinn aber] war das Bewusstsein der eigenen Kraft und seemännischen Überlegenheit, [das sie zum erfolgreichen kampf gegen den spanischen Machtanspruch befähigte.] » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., pp. 33-34 ).
[xcv] « Durch ihe Lage im Mittelpunkt dre europäischer Vermittelungszone zwischen Ost und West, Nord und Süd, an der Mündung des grössten Verkehrsträgers unter den Flüssen, des Rheins, hatten sie sich vehältnismässig schnell als Stapelplatz und Zwischenhandelsplatz entwickelt . » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.34 ).
[xcvi] « Der ganze wertvolle Ostseehandel ging in die holländische Hände über. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.35).
[xcvii]« [ (…) griffen die Holländer zur Selbsthilfe und] suchten nunmehr selber den Weg nach
Ostindien. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.35).
[xcviii]« Cornelius Houtman führte 1595 das erste holländische Schiff nach Ostindien.» ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.35).
[xcix]« Das war der furchtbarste Schlag für die iberischen Mächte, die allmählich ihren Ostindischen Handel an die energisch vordrängenden Holländer verloren. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.35).
[c]« Die Niederländer wurden die erste Seemacht des 17. Jahrhunderts ; für das kleine Volk eine gewaltige Leistung. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.35).
[ci] « [Die Vorraussetzung dafür war] die Sicherung der Schiffahrt im Atlantik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.35).
[cii]« [Damals entstanden wegen der Rechtsunsicherheit] die grossen Handelsaktiengesellschaften, die kriegsmässig ausgerüstete Handelsschiffe in Geleitzügen zusammenfassten und über See schickten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.35).
[ciii] « [Mehrere Faktoreien und Niederlassungen wurden eingerichtet], die besonderes für den Handel mit Negersklaven von Bedeutung war. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.36 ).
[civ] « In Anbetracht der Kleinheit des Volkes hatten die Niederlande eine bewundernswerte und erstaunliche Entwickelung genommen, die sie auf dem Atlantik zur Seebeherrschenden Macht stempelte. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.36 ).
[cv] « Nach diesem Gesetz durften überseeische Erzeugnisse nur auf englischen Schiffen und europäische Waren nur auf englischen oder Schiffen des Ursprungslandes eingeführt werden. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.36 ).
[cvi] Cf. MARX Karl, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Editions Mille et une nuits, 1997, p.13.Ouvrage écrit de dédembre 1851 à mars 1852 et publié en 1852.
[cvii] « Im Handel liegt nun einmal das Prinzip und die Neigung zur Ausbreitung und Alleinherrschaft. Die Seemächte haben daher auch zu allen Zeiten nach Alleinherrschaft gestrebt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.37 ).
[cviii] « Aus jener Zeit stammt das das Wort, das in England zum Staatsgrundsatz geworden ist, und das erst der erste Weltkrieg entkräftet hat : Seekrieg nährt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.37 ).
[cix] « Dieser Zweitfrontenkrieg ging über die Kraft des kleinen Volkes. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.37 ).
[cx] « (…) aber zum erstenmal wurde Englands Vorherrschaft auf See ausdrücklich anerkannt. ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.37 ).
[cxi] « In falscher Sparsamkeit liess man im Frieden die Kriegsflotte verfallen, die man nicht so schnell bei Kriegsausbruch wieder auf die Höhe bringen konnte. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.38 ).
[cxii] « Das Ergebnis war der Verlust der Vormachtstellung auf dem Atlantik und im Welthandel. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.38 ).
[cxiii] « Hollands Handel ging von da an mehr und mehr auf England über ; was es behielt war Seegeltung, keine Seemacht. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.38 ).
[cxiv] « In ihrem anderhalb Jahrhunderte langen Ringen musste es sich entscheiden, ob der Atlantik ein romanisches oder ein germanisches Meer, ob Nordamerika französisch oder englisch werden sollte. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.38 ).
[cxv] « Frankreichs geographische Lage bietet ihm drei grosse politische Möglichkeiten : es kann seine atlantische Küste nutzen zu einer ozeanischen Politik, seine MittelmeerKüste zu einer Mittelmeerpolitik und endlich seine kontinentale Stellung zu einer europäischen Festlandspolitik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., pp.38-39 ).
[cxvi] « (…), aber auf die Dauer hat immer seine Kontinentale Politik über die ozeanische gesiegt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.39 ).
[cxvii] « [Vor allem] die Kaufleute der normannischen Küste aus Dieppe und St. Malo trieben einen einträglichen Pelzhandel in den kanadischen Gebieten und wurden damit zu den ersten Kolonisatoren Frankreichs. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.39 ).
[cxviii] «[Aber]der Franzose ging nicht gerne über See. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.39 ).
[cxix] « (…) als reine Inselmacht unbelastet mit kontinentalen Konflikten, stand es nicht wie Frankreich vor der Wahl. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.39 ).
[cxx] « Die natürliche Wanderlust der Engländer wurde noch vestärkt durch die religiösen Kämpfe des 17. Jahrhunderts in der Heimat, so dass ein stetiger Auswanderungsstrom über den Atlantik floss und an den amerikanischen Küsten siedelte. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.39 ).
[cxxi] « Die Londoner und die Plymouther Compagnie erhielten 1606 die atlantische Küste Nordamerikas von 34-45° n. Br. mit einem breiten Landstreifen zugewiesen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.40 ).
[cxxii] « Diese Inseln nahmen seit der Einführung der Plantagenwirtschaft mit Hilfe von Negersklaven einen solchen Aufschwung, dass sie zum wertvollsten Kampfpreis der damaligen Zeit wurde. ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.40 ).
[cxxiii] « Man vergass, dass überseeische Kolonien nur dann gehalten werden können, wenn sie ständig,von der Heimat aus unterstützt und genährt werden. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxiv] « Das setzt voraus, dass man auch im Krieg über Seestrassen sicher zu ihnen gelangen.
kann. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxv] « Der Weg über den Atlantik musste somit durch Seeherrschaft gesichert werden. Seemacht bedeutet, die Sicherung der eigenen Sewege und die Unterbindung des feindlichen Severkehrs im Kriege. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxvi] « [Auf dem Atlantik herrscht aber] das Gesetz der reinen Seeherrschaft. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxvii] « Das haben die Franzosen nie begriffen. Ihre kolonialen Niederlagen in Amerika und Indien ( denn auch der Weg nach Indien führte damals über den Atlantik ) verdanken die Franzosen in erster Linie ihrer unzulänglichen Seemachtpolitik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxviii] « Wer die See beherrscht, beherrscht den Handel, wer den Handel beherrscht, beherrscht die Reichtümer der Welt und folglich die Welt selbst. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxix] « [Da aber alle] Wege nach Westen und Osten über den Atlantik liefen, [musste es auch folgerichtig ein Kampf um die Herrschaft auf dem Atlantik werden]. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxx] « [Doch er fand bald einen Nachfoger in Colbert (1619-83)], der zum eigentlichen Vater der französischen Kriegsmarine wurde. »( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxxi] « (…) die allgemeine Wehrpflicht der Seeleute eingeführt (inscription maritime) [hat]. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.41 ).
[cxxxii] « [Die Niederlage] wurde zum Wendepunkt des Seekrieges. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.42 ).
[cxxxiii] « (…) Volk und Regierung verloren das Vertrauen zu ihr. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.42 ).
[cxxxiv] « Dieser verderblichen Richtung zur defensiven Seekriegsführung ist die französische Marine treu geblieben, und sie ist die tiefe Ursache ihres Niederganges. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.42 ).
[cxxxv] « Es waren also in erster Linie die überseeischen Zusammenhänge, die beide Seemächte dazu veranlassten, gegen die französische Erbfolge in Spanien zu kämpfen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.43 ).
[cxxxvi] « (…) der stille, dauernd wirkende Druck der indirekten Waffen des Seekrieges, d.h. des Handelskrieges, [der] Frankreich so entscheidend lähmte, dass es zum Frieden geneigt wurde. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.43 ).
[cxxxvii] « Das war eine Frage der Schiffahrt und der Seeherrschaft auf dem Atlantik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.45 ).
[cxxxviii] « Die grosse Entscheidung fiel im Siebenjährigen Krieg (1756-63 ), in dem Franzosen und Engländer auf fast allen Weltmeeren und Erdteilen um die Weltherrschaft kämpften. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.46 ).
[cxxxix] « Amerika ward in Deutschland erobert. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.47 ).
[cxl] « (…) ohne die vorherige Erkämpfung der Seeherrschaft in den Gewässern des östlichen Atlantik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.47 ).
[cxli] « Deren grosszügige und weiträumige Seekriegstrategie hat über das Schicksal des Atlantik und auch damit Amerikas entschieden gegenüber der kleineren französischen Auffassung, die in der See nur den Nebenkriegsschauplatz sah. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.49 ).
[cxlii] « Mit Gibraltar kam England in den Besitz des Schüssels zum Mittelmeer. Es konnte von hier aus dieses Meer verkorken und die französischen, bzw. spanischen Atlantik- und Mittelmeerflotten an der Vereinigung verhindern. Gibraltar hat eine wertvolle Doppelwirkung, weil es sowohl als Stützpunkt für Operationen im Mittelmeer als auch im Atlantik dienen kann. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.43 ).
[cxliii] « 1.Unterstützung des Kolonialkrieges in Amerika . 2. Blockade der französichen Atlantikhäfen und Schliessung der Strasse von Gibraltar. 3. Diversionen an der französischen Küste, um durch Fesselung französischer Heeresteile den Landkrieg zu entlasten. 4. Eroberungen der französischen Kolonien in Westindien, Afrika und Ostindien. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.47 ).
[cxliv] « Zum erstenmal stand England einer Koalition der Seemächte gegenüber, ohne einen Festlandsdegen zu haben. England war isoliert.» ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.50 ).
[cxlv] «Es musste sich für beide Parteien darum handeln, ihre transatlantischen Seewege zum amerikanischen Kriegsschauplatz zu sichern und die des Gegners zu unterbrechen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.50 ).
[cxlvi] « Entsprechend aber dem unmittelbaren Kriegsschauplatz spielten sich die Hauptkämpfe an der Ostküste Nordamerikas und in westindischen Gewässern ab, weil hier die englischen Besitzungen erobert werden sollten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.51 ).
[cxlvii] « Die Seeherrschaft zu erringen , ohne die eigenen Kräfte einzusetzen ! » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.51 ).
[cxlviii] « Ein Widerspruch in sich , der uns an die unglücklichen Befehle im Weltkrieg erinnert. ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.51 ).
[cxlix] « [So ist es nicht zu viel, zu behaupten], dass die Schlacht bei Cap Henry in erster Linie den amerikanischen Befreiungskrieg entschieden hat. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.51 ).
[cl] « Die Ursache war vor allem die zeitweise Schwächung der britischen Seestellung auf dem Atlantik, wodurch die englischen, in Amerika kämpfenden Truppen nicht genügend
unterstützt werden konnten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.51 ).
[cli] « Jenseits des Atlantik war ein neuer Staat entstanden, der allmählich eine Grösse und Macht erlangte, die die atlantische Politik und darüber hinaus die Weltpolitik aufs tiefste beeinflusste. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.52 ).
[clii] « Die grosse Revolution hatte die französische Flotte politisiert und ihre Moral restlos untergraben . » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.52 ).
[cliii] « Es zeigte sich, dass es leichter war, eine Armee als eine Flotte aufzubauen, die ohne erfahrene Seeoffiziere und Seeleute nicht geführt werden kann. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., pp.52-53 ).
[cliv] «Der Atlantik gehörte den Engländern. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.53 ).
[clv] «[Trotzdem versuchte er mehrmals, sein Ziel zu erreichen, freilich nicht auf dem richtigen Weg, nähmlich durch Erringung der Seeherrschaft, sondern durch ihre Umgehung. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.53 ).
[clvi] « An sich ist eine solche [Invasion] nur möglich nach der Erringung der Seeherrschaft in den benachbarten Meeresgebieten ; denn das Meer ist die Operationsbasis für das gelandete Heer. Es gilt, zwischen Mutterland und gelandetem Heer eine ständige Verbindung aufrecht zu erhalten. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.53 ).
[clvii] « [Während aber die britischen Seeleute bei dieser Tätigkeit immer besser wurden], verkamen die französischen Besatzungen und Schiffe bei der aufgezwungenen Untätigkeit in ihren Häfen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.54 ).
[clviii] « Damit war Napoleons Plan erledigt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.54 ).
[clix] « Sie bildet den Höhepunkt und zugleich den Schlussstein des gewaltigen englisch-französischen Ringens um die Seeherrschaft auf dem Atlantik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.54 ).
[clx] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.54.
[clxi] « [Es war vor allen Dingen] diese englische Massnahme , die den Widerstand der übrigen Mächte und besonders der Vereinigten Staaten herausforderte. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.56 ).
[clxii] « Es geht eine beinahe ununterbrochene folgerichtige Linie in der englischen Geschichte von dem Kampf gegen die Armada über La Hogue, Quiberon und Trafalgar nach St. Helena. England wurde der Sieger der napoleonischen Epoche. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.57 ).
[clxiii] « [Es bedeutet nicht weniger] als die Geburt einer neuen selbstständigen Staatenwelt jenseits des Atlantik. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.58 ).
[clxiv] « Niemals hat die Seemacht eine grössere Rolle gespielt als im Sezessionskrieg. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.59 ).
[clxv] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.60.
[clxvi] « Wie immer nach Verlust der Seeherrschaft, gingen die Kolonienverloren. Kuba, Portorico ( und die Philippinen ) mussten an Amerika abgetreten werden. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.61 ).
[clxvii] « Als im August 1914 das erste Schiff den Panamakanal durchfuhr, hatte die politische Stellung Nordamerikas eine unerhörte Festigung erfahren und den englischen Einfluss in dieser Zone völlig verdrängt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.61 ).
[clxviii] « Frankreich begnügte sich mit einer Rolle als zweitklassige Seemacht und ging England in der Kolonialpolitik aus dem Wege. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.62 ).
[clxix] « Dieser Seeraum bedeutet geradezu das Genick der britischen Seemachtstellung. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.62 ).
[clxx] « [Unter der Leitung von Tirpitz] ging das Reich endlich daran, eine eigene Seemacht aufzubauen, was um so schwerer war, als fast seit der Hansezeit jede grosszügige deutsche Seegeltung veschwunden war. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.64 ).
[clxxi] « [Im wesentlichen war es also] ein defensiver Gedanke… » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.64 ).
[clxxii] « [Ein defensiver Gedanke], der die Flotte als Druckmittel ansah. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.64 ).
[clxxiii] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.65
[clxxiv] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.65.
[clxxv] « Der Atlantik wirkte also gerade seit der Umstellung der Segelschiffahrt auf den Dampfbetrieb strategisch trennender als früher. Denn der Fahrbereich eines Dampfschiffes war beschränkt im Gegensatz zur fast unbeshränkten Reichweite eines Seglers. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.65 ).
[clxxvi] « (…) blieb für das Deutsche Reich nur noch der Aufbau einer eigenen Seemacht übrig. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.65 ).
[clxxvii] « Es konnte nur zwischen England und Deutschland ein Miteinander geben oder ein Gegeneinander. Jedes Zwischenstadium konnte nur übergang bedeuten, das war das Tragische in den Beziehungen der beiden Völker.» ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.65 ).
[clxxviii] « Die strategische Lage Deutschlands hätte von Anfang an zu einer energischen offensiven Seekriegsführung Veranlassung geben müssen. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.66 ).
[clxxix] « Es war die Aufgage der Hochseeflotte, die Tür zum Atlantik aufzustossen, die England verschlossen hielt. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.66 ).
[clxxx] « Der deutsche Operationsbefehl für den Nordseekrieg ist in einem streng defensiven Geist abgefasst gewesen und wiederholte damit die Fehler, die in der Geschichte des Atlantik, wie wir sahen, bereits von den Franzozen und Spaniern gemacht worden waren. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.67 ).
[clxxxi] « Der Kampf um die Seeherrschaft in einer solchen Notlage darf nur offensiv geführt werden. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.67).
[clxxxii] « Der Verteidigungskrieg zur See ist der sichere Untergang. Eine Kriegsflotte kann zur Defensive gezwungen werden ; aber sie nicht aus der Defensive ausgehen ; denn Defensive ist ein vorübergehender Zustand, der der eigentlichen Natur des Meeres widerspricht. »
[clxxxiii] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.67. ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.67 ).
[clxxxiv] « [Damit ging Deutschland endlich zur] Offensive über. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.67 ).
[clxxxv] « Der U-Bootkrieg war seiner Handhabung nach ein Handelskrieg, der sich gegen die wichtigsten Kraftquellen Englands richtete. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.67 ).
[clxxxvi] Cf. Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.68.
[clxxxvii] « Man soll nicht vergessen, dass die wichtigsten und umfangreichen Zufuhren für die Weltmächte aus Nord- und Südamerika stammten, womit die ausschlaggebende Bedeutung des Atlantik als Seeverkehrsweg erwiesen war. » ( Der Atlantik : Geopolitik eines Weltmeeres, op.cit., p.70 ).